L’article 1303 du Code Civil dispose que: “En dehors des cas de gestion d'affaires et de paiement de l'indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement.

Dans les rapports entre ex-concubins toutefois, l’enrichissement sans cause, désormais appelé enrichissement injustifié, est rarement admis, chacun devant contribuer aux dépenses de la vie commune.

C’est bien là que se trouve toute le subtilité!

En effet, la jurisprudence a pu relever le caractère inhabituel des dépenses engagées par le concubin ayant assumé des dépenses obligatoires afférentes à des immeubles personnels de la concubine et excédant largement la contribution aux dépenses de la vie commune (voir en ce sens CA Paris, 14 janvier 1987 ; CA Paris 2 avril 1999).

Dans l’affaire m'ayant été soumise justement, en plus de sa contribution aux dépenses de la vie courante, sa cliente avait financé d’importants travaux sur le bien de son ex-concubin. Durant plusieurs années, elle avait en outre assumé seule le remboursement du crédit souscrit en vue de l’amélioration du bien propre à Monsieur.

Les fonds injectés par l’ex-concubine avaient naturellement eu pour conséquence une augmentation significative du patrimoine de l’ex-concubin.

L’enrichissement de ce dernier était ainsi caractérisé par la plus-value acquise par son immeuble (Ccass., Civ. 1ère, 15 mars 1960), ou encore par le fait qu’il est aujourd’hui seul propriétaire d’une maison améliorée grâce à son ex-concubine (Ccass. Civ. 1ère, 4 juillet 1995, n°93-19.205).

Cet enrichissement de l’un s’était accompagné de l’appauvrissement corrélatif de l’autre, condition sine qua non de l’enrichissement injustifié.

En effet, une simple lecture des relevés du compte personnel de l’ex-concubine sur plusieurs années permettait de constater l’ampleur des fonds injectés pour l’amélioration du bien de l’ex-concubin.

Cette somme aurait pu être utilisée par Madame pour ses propres besoins: elle aurait notamment pu s’acheter une maison ou encore souscrire une assurance vie par exemple.

Il n’en était rien!

Ces fonds n’avaient servi qu’à augmenter le patrimoine de Monsieur !

Or, dans une affaire similaire, après avoir constaté que les dépenses engagées et les travaux effectués dans l’immeuble appartenant à l’ex-concubin excédaient par leur ampleur la participation normale aux dépenses de la vie commune et ne pouvaient être considérés comme une contrepartie des avantages dont il avait profité pendant la période du concubinage, la Cour de cassation avait approuvé la Cour d’appel d’en avoir déduit l’absence d’intention libérale de l’appauvri et donc, l’absence de cause (Ccass. Civ. 1ère, 24 septembre 2008, n°06-11.294).

Dans l’affaire qui nous intéresse justement, la cliente n’avait aucune intention libérale de procurer un tel enrichissement à son ancien compagnon.

Cet enrichissement ne procédait pas non plus de l’accomplissement d’une obligation par Madame. En effet, cette dernière n’était ni propriétaire du bien ni seul bénéficiaire du prêt consenti par la banque. Si Madame avait assumé seule ces dépenses excédant sa participation normale aux dépenses de la vie commune, c’était donc uniquement pour pallier la carence de Monsieur.

Enfin, la partie adverse ne pouvait soutenir que Madame avait financé les travaux avec l’intention de s’installer dans la maison, celle-ci vivant sur la période considérée à des centaines de kilomètres de là.

En conséquence, l’enrichissement de Monsieur était nécessairement injustifié au sens de l’article 1303-1 du Code Civil.

Il devait donc donner lieu à indemnisation.

C’est fort heureusement ce qu’a retenu le Tribunal de Grande Instance de BRIVE LA GAILLARDE dans un Jugement en date du 7 décembre 2018, aujourd’hui définitif.

La cliente s’est ainsi vu allouer, au principal, la somme de 42.717,48€ outre 1.954,35€ au titre de la capitalisation des intérêts et 1.200€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Avec cette décision, satisfaisante mais juste, la cliente pourra tourner une page.

Merci, Madame, pour votre confiance.

Très bonne continuation.

 

Virginie ESTAGER