Depuis le 1er juillet 2024, la France a mis en œuvre une réforme majeure de la garde à vue, issue de la Loi du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne notamment en matière d'économie, de finances, de transition écologique et de droit pénal.

Cette réforme fait suite à l'obligation faite à la France de se mettre en conformité avec le droit de l'Union européenne, notamment concernant le droit d'accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales. Ainsi, elle renforce les droits des personnes gardées à vue et s'articule autour de trois changements majeurs:

 

I. Les principales évolutions du régime de la garde à vue entrées en vigueur au 1er juillet 2024

          1. Présence de l'avocat dès le début de la garde à vue

Désormais, aucune audition ne peut se tenir sans la présence de l'avocat désigné par le gardé à vue (article 63-3-1 du Code de procédure pénale), à moins que ce dernier renonce à son droit ou que le Procureur de la République justifie par une décision écrite et motivée qu’il est indispensable de procéder immédiatement à l’audition sans attendre l'arrivée de l'avocat "soit pour éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale, soit pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne." (article 63-4-2-1 du Code de procédure pénale).

Jusqu'à présent, la première audition pouvait en effet avoir lieu hors la présence de l'avocat si celui-ci ne s'était pas présenté dans un délai de deux heures appelé délai de carence. La Loi du 22 avril 2024 supprime le délai de carence qui permettait à l’enquêteur de commencer l’interrogatoire, même sans avocat, une fois ce délai expiré.

Cette mesure garantit une meilleure protection des droits de la défense.

Dans tous les cas, l'avocat pourra assister à l'audition ou à la confrontation en cours dès son arrivée dans les locaux du service de police judiciaire.

​          2. Accès aux procès-verbaux des confrontations

​​L'avocat a désormais le droit de consulter non seulement les procès-verbaux des auditions qui ont eu lieu, mais aussi ceux des confrontations. Cette mesure renforce l'efficacité de la défense en permettant à l'avocat d'ajuster ses interventions et d'assurer une défense complète (article 63-4-1 du Code de procédure pénale).

          3. Élargissement du cercle des personnes prévenues

La réforme élargit également le cercle des personnes que l'intéressé peut prévenir de son placement en garde à vue.

Alors que le texte limitait auparavant cette possibilité à une personne avec laquelle le gardé à vue vivait habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe ou l'un de ses frères et sœurs, l'article 63-2 du Code de procédure pénale, dans sa version issue de la Loi du 22 avril 2024, permet désormais de contacter « toute autre personne qu'elle désigne ». Cela inclut: la personne avec laquelle il vit habituellement, la mère ou le père, un des grands-parents, un de ses enfants, un frère ou une sœur ou toute autre personne de son choix.

Cet élargissement vise à faciliter la communication et à offrir à la personne concernée un soutien moral et logistique pendant la durée de la garde à vue.

 

II. Considérations autour de la proposition de prolongation de la garde à vue en matière de violences conjugales

En décembre 2024, soit quelques mois à peine après l'entrée en vigueur de la réforme précitée et juste après la fin du procès dit des "viols de Mazan", le Ministre de la Justice Gérald Darmanin a annoncé une proposition de réforme visant à prolonger la durée de la garde à vue pour les auteurs de violences conjugales. Parmi les objectifs affichés:

- mieux protéger les femmes menacées, violentées, agressées, - permettre les constatations de police technique et scientifique - et interroger plus longuement la personne gardée à vue.

Là encore, cette proposition de réforme s'articule autour de trois axes majeurs:

          1. Allongement de la durée de la garde à vue

Pour rappel, actuellement, la garde à vue peut durer 24 heures renouvelables une fois sur décision du Parquet. Au fil du temps, des exceptions ont néanmoins été introduites afin de faciliter les investigations dans les cas considérés comme les plus graves ou plus complexes à traiter. Ces exceptions sont énumérées à l'article 706-73 du Code de procédure pénale visant à la fois certains crimes et des délits.

S'agissant des "auteurs de violences conjugales graves", la proposition de loi prévoit d'allonger la durée maximale de la garde à vue de 48 à 72 heures. Cette prolongation permettrait aux enquêteurs de disposer de plus de temps pour recueillir des preuves, interroger les témoins et établir les faits de manière plus exhaustive.

          2. Circonstances aggravantes

La réforme introduit également des circonstances aggravantes spécifiques pour les cas de violences conjugales. Par exemple, les viols commis au domicile de la victime ou lorsqu'ils sont prémédités seraient désormais considérés comme des circonstances aggravantes, entraînant des peines encourues plus sévères.

          3. Protection des victimes

En parallèle, la réforme propose des mesures pour renforcer la protection des victimes pendant et après la garde à vue de l'auteur. Cela inclut des ordonnances de protection plus strictes, des dispositifs de surveillance électronique et un soutien accru des services sociaux et médicaux.

En définitive, ces réformes, en vigueur ou annoncées, représentent bien une avancée significative dans la protection des droits des personnes en garde à vue et dans la lutte contre les violences conjugales mais leur mise en oeuvre, synonyme de complexification de la procédure, introduit des risques de nullité dont les avocats doivent se saisir afin de garantir à leurs clients une défense complète et efficace.

Enfin, la proposition de prolongation de la garde à vue en matière de violences conjugales méritera d'être débattue et précisée, afin notamment de préciser les infractions visées: quid des victimes, les femmes? Suffira-t-il, pour être qualifiée ainsi dans certains cas particuliers, d'avoir l'apparence d'une femme, d’avoir notifié son changement de sexe à la Mairie ? ou bien faudra-t-il démontrer avoir subi des opérations chirurgicales modifiant l’apparence physique ? Par ailleurs, s'il semble acquis que les agressions sexuelles entreront dans le cadre de la réforme, quid des violences non sexuelles sur conjoint ayant entraîné la mort ou une mutilation ou une infirmité permanente ? De nombreuses discussions devraient encore agiter l'Hémicycle dans les mois à venir...