Je vous parlais il y a quelques semaines de la délicate question des tests osseux, pratiqués pour tenter de déterminer l'âge de ressortissants étrangers dépourvus de documents d'identité ou dont l'authenticité desdits documents est contestée.

La détermination, si ce n’est de leur âge du moins, de leur minorité ou de leur majorité, revêt une importance primordiale.

En effet, si ces personnes sont officiellement reconnues mineures, elles pourront bénéficier d'une prise en charge par les services spécialisés dans l'accompagnement des mineurs étrangers isolés. En revanche, si elles sont déclarées majeures, leur seul espoir de régulariser leur situation administrative et ainsi, pouvoir se maintenir sur le territoire français, est de déposer une demande d'asile, véritable parcours du combattant...

C'est dans ce contexte que j’avais fait appel d'un Jugement du Juge des Enfants de PERIGUEUX en date du 15 février 2019, lequel avait conclu à la majorité d'un ressortissant guinéen dont les papiers d'identité avaient été invalidés par la Police aux frontières.

En l'espèce, les tests osseux avaient conclu à un âge global supérieur à 18 ans (âge dentaire de 16 ans, main/poignet: 18 ans, clavicule: 26 ans...)

Devant la Cour d'Appel de BORDEAUX il s'agissait, d'une part, de contrer les arguments avancés par la Police aux frontières et adoptés par le Juge des Enfants et d'autre part, d'insister sur la marge d'erreur inhérente à ces tests osseux.

En effet, le recours à ces tests est aujourd’hui décrit par de nombreuses organisations internationales car inadapté à la plupart des cas: concrètement, les clichés radiographiques de la main, du poignet et de la clavicule sont comparés à des planches d'images constituée dans les années 1930 à 1940 auprès de 1.000 jeunes américains. Ces planches constituent l'Atlas de Greulich et Pyle, du nom des deux scientifiques qui l'ont développé, à l'origine pour pouvoir suivre la croissance des enfants atteints de troubles endocriniens.

Or, il est aujourd'hui communément admis que le développement biologique diffère en fonction des origines ethniques de la population considérée mais aussi en fonction de son niveau de vie.

En tout état de cause, ces tests ne sont nullement adaptés aux jeunes ressortissants africains.

S'ils peuvent constituer un élément d'appréciation, une base de réflexion, ils ne sauraient à eux seuls emporter la conviction du Juge.

En l'espèce, la Présidente de la Chambre des Mineurs de la Cour d'Appel de BORDEAUX a manifestement été sensible à nos arguments et aux justificatifs produits puisque par arrêt en date du 3 juillet 2019, elle a infirmé le Jugement rendu par le Juge des Enfants de PERIGUEUX et statuant à nouveau, constaté la minorité de ce jeune client.

A peine sorti des épreuves du Brevet des Collèges, celui-ci a donc pu prendre connaissance de cette décision avec une vive émotion.

Ce jeune, qui ne manque pas de volonté et d’ambition et autour duquel s’était formée une incroyable chaîne de solidarité, va pouvoir poursuivre sa scolarité tout en bénéficiant d’un hébergement en lieu sûr et du soutien d’éducateurs.

Quant à moi, ce sont des décisions comme celle-ci qui me rappellent pourquoi j'ai choisi ce métier et pourquoi je m'investis au quotidien pour mes clients.