Depuis la crise du Covid-19, deux proclamations présidentielles ont été publiées par la Maison Blanche affectant de manière temporaire le droit des étrangers – ou de l’immigration selon l’expression consacrée – américain. Pour l’heure, ces proclamations n’ont pas fait l’objet de recours et souffrent de l’absence d’une interprétation critique d’une juridiction fédérale (Federal district courts). Pour autant, il semble intéressant de les analyser notamment pour les Français qui souhaiteraient se déplacer aux Etats-Unis.

Les Français vivant actuellement aux Etats-Unis doivent tenter de comprendre les différents textes qui sont actuellement en vigueur aux Etats-Unis. En cause, les deux proclamations présidentielles du Président Trump affectant de manière temporaire – mais semble-t-il durable – le droit des étrangers américain.

1. La proclamation du 14 mars 2020 portant suspension de l’entrée des étrangers sur le sol américain

La Première proclamation adoptée par le Président Donald J. Trump a affecté de nombreux Français ou voyageurs français qui devaient rejoindre les Etats-Unis ou des amis vivant aux Etats-Unis. Toutefois, entre les annonces du Président Trump et la version finale du texte adoptée, il existe souvent des éléments d’atténuation qu'il convient de prendre en considération.

Le texte du 14 mars 2020 visait à mettre un terme à la circulation du virus sur le sol américain en adoptant des restrictions à l’entrée. Ainsi, tous les voyageurs bénéficiant d’un ESTA (programme de déclaratif permettant de ne pas solliciter un visa pour un séjour de courte durée de moins de 3 mois) ont vu leur document de voyage annulé en raison de la crise.

Afin de ne pas créer un effet de retours massifs, la proclamation prévoit des exceptions (exemptions) pour les bénéficiaires d’une carte de résident aux Etats-Unis (lawful permanent resident), aux étrangers époux de ressortissant américain ou ayant des enfants âgés de moins de 21 ans ayant la nationalité américaine, toute personne ayant un frère ou une sœur qui est bénéficiaire de la nationalité américaine, toute personne invitée par les Etats-Unis afin d’enrayer la propagation du virus, toute personne étant un professionnel de santé ou travaillant dans la recherche contre la propagation du corona virus et tout étranger bénéficiant de visas d’une certaine catégorie (diplomates, les personnes en transit etc).

Cette proclamation, censée durer un mois, a été tacitement prolongée, à l’image de l’interdiction aux frontières adoptée par la France. Il est ainsi conseillé aux voyageurs qui souhaitent se rendre aux Etats-Unis de consulter un avocat spécialisé en droit des étrangers afin de ne pas se heurter à une inadmissibilité aux frontières américaines.

En tout état de cause, les Etats-Unis, à l’image de beaucoup de pays dans le monde, mettent un terme au tourisme et tentent par tout moyen de limiter la propagation du virus. Si le confinement a permis de lutter contre la diffusion du virus, il faut noter que les Etats-Unis connaissent une augmentation importante des cas de contamination.

Dans ce cadre, le Président Trump a de nouveau dégainé l’arme de la proclamation présidentielle, que la Constitution américaine lui octroie sous certaines conditions. Aussi, le 22 avril 2020 a-t-il décidé de suspendre l’immigration en adoptant plusieurs mesures qu’il convient ici de détailler.

2. La proclamation du 22 avril 2020 portant suspension de l’entrée des étrangers présentant un risque pour le marché du travail américain

Les Français qui cherchaient à obtenir le fameux sésame de la « green card » ou de la « carte verte » devront prendre leur mal en patience. Afin de ne pas abonder le marché américain d’une main d’œuvre étrangère qui exacerberait le chômage des américains – et affaiblirait l’électorat de Trump qui est candidat pour les élections présidentielles – le Président Trump a décidé de suspendre les instructions de délivrance de cartes vertes pendant un délai de 60 jours.

L’entrée aux Etats-Unis en qualité d’étranger est suspendue. Cette interdiction s’applique simplement aux étrangers étant à l’extérieur des Etats-Unis au moment de la date d’entrée en vigueur de la proclamation soit le 23 avril à midi ou aux étrangers n’ayant pas de visa valide au moment de la date d’entrée de la proclamation. Ainsi, les individus sollicitation un ajustement de leur statut (adjustment of status) ne sont pas concernés par cette mesure puisqu'ils sont, de fait, d'ores et déjà sur le territoire américain.

Comme la première proclamation, cette dernière contient également une série d’exceptions prévues à la Section 2 (b) (i) et suivants. Ainsi, la proclamation ne s’applique pas aux résidents permanents des Etats-Unis (i), à tout professionnel de santé ou chercheurs visant à combattre la propagation du Covid-19 (ii), les investisseurs qui entendent investir la somme de 900.000 dollars ou plus aux Etats-Unis, plus communément appelé le visa EB-5 (iii), aux étrangers époux de ressortissants américains, à tout étranger âgé de moins de 21 ans étant un enfant de ressortissant américain, ou tout enfant qui sera adopté par une famille américaine et qui bénéficiera d’un visa à cet effet (visa catégorisée sous IR-4 ou IH-4).

D’autres catégories, en rapport avec l’armée ou des forces spéciales ont été également énoncées dans les exceptions. Les Français tombant dans l’une de ces catégories devront consulter un avocat dans la mesure où, nonobstant l’adoption d’une telle proclamation, les refus d’entrée aux Etats-Unis ne sont pas impossibles, étant précisé que les étrangers aux frontières disposent de droits très réduits.

En cas de procédure d’expulsion, il devient alors difficile de monter un dossier qui « tient la route » dans la mesure où l’expulsion est inscrite au dossier et l’officier d’immigration instructeur la verra et n’admettra que très exceptionnellement un tel dossier. Un peu plus de précaution et une assistance juridique ne sera pas plus mal avant de décider de sauter le pas.

 

Asif ARIF

Avocat à la Cour

asif.arif@cabinet-arif.com