La pré-plainte en ligne est un téléservice qui a été institué par décret du 29 octobre 2008 à titre expérimental pour recueillir, via Internet, la déclaration en ligne de la victime ou son représentant légal, pour des faits d'atteinte aux biens contre auteur inconnu, et pour obtenir un rendez-vous auprès d'un service de la police nationale ou de la gendarmerie, afin de signer la plainte.

Ce dispositif était destiné à améliorer les conditions d'accueil du public, en supprimant les délais d'attente auxquels sont confrontées les victimes lorsqu'elles se rendent au commissariat ou au sein d'une brigade de gendarmerie pour y déposer plainte. Il devait également contribuer à réduire le temps nécessaire à l'enregistrement de la plainte par les personnels de police ou de gendarmerie.

Les plaignants pouvaient aussi, plus officieusement, y voir un troisième avantage essentiel, celui de ne pas se heurter à un agent refusant de recevoir leur plainte (un refus en théorie interdit, mais très souvent observé dans les services de police), ou n'acceptant de recevoir qu'une déclaration de main-courante (ce qui revient au même qu'un refus de plainte, puisque la main-courante n'est guère plus qu'un registre administratif à visée déclarative, auquel aucune suite ne sera donnée par le Procureur).

Encouragé par le succès de ce service en ligne, qui satisfait autant les usagers que les fonctionnaires de police et de gendarmerie, le Gouvernement a sécularisé la pré-plainte en ligne par un décret du 24 mai 2018 qui, d'une part, lui retire son caractère expérimental s'agissant du dépôt de plaintes relatives aux atteintes aux biens.

D'autre part, une nouvelle expérimentation est instituée à compter du 25 mai 2018, pour une durée de douze mois, par laquelle le champ d'application de la pré-plainte est étendu à trois types d'infractions supplémentaires :

- Le délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne à raison de son origine ou de son appartenance ou de sa non-appartenance à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion ou à raison de son sexe, de son orientation sexuelle ou identité de genre ou de son handicap ;

- Le délit de diffamation ou d'injure à l'égard d'une personne à raison de son origine ou de son appartenance ou de sa non-appartenance à une ethnie, une nation, une prétendue race, une religion déterminée ou à raison de son sexe, de son orientation sexuelle ou de son identité de genre ou de son handicap ;

- Le discrimination telle que définie aux articles 225-1 et 225-1-1 du code pénal.

Parmi les faits susceptibles d'être concernés par ce dispositif, on peut penser aux conflits sur le lieu de travail, aux situations de souffrance ou de harcèlement subies par les agents publics et les salariés, qui donnent souvent lieu à des agissements discriminatoires ou constitutifs de diffamation non-publique. Trop souvent, ces faits sont tus parce que les victimes n'ont pas conscience de l'existence d'une infraction pénale mais aussi parce que les modalités classiques de dépôt de plainte ne sont pas adaptées ; on peut penser que la situation s'améliorera avec le nouveau téléservice.

Pour les avocats conseillant à leurs clients l'utilisation de ce service, une lecture attentive de la délibération n° 2017-350 du 21 décembre 2017 de la CNIL, portant avis sur ce décret, est recommandée : y sont en particulier rappelés les risques juridiques liés à une insuffisante description des faits et à la commission du délit de dénonciation calomnieuse. En outre, cette délibération permettra de contrôler le respect par les services de police et de gendarmerie, des importantes réserves d'interprétation formulées par la CNIL, afin de garantir les plaignants contre le risque d'utilisation abusive de leurs données personnelles.

Le service est disponible en ligne ici : https://www.pre-plainte-en-ligne.gouv.fr/

Et l'avis de la CNIL ici : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000036940607&dateTexte=&categorieLien=id