Le harcèlement sexuel est défini, dans le code pénal (art. 222-33), le code du travail (art. L 1153-1) et le code général de la fonction publique (art. L 133-1) comme constitué par les propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui, soit, portent atteinte à la dignité de la victime, en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

En principe, ces agissements doivent viser personnellement la victime ; mais le harcèlement peut aussi être constitué par une atmosphère de travail, sexiste ou sexualisée : on parle de harcèlement environnemental, ou d'ambiance. Il connaît actuellement une émergence jurisprudentielle notable.

 

Des jurisprudences émergentes en droit du travail condamnant le harcèlement sexuel d'ambiance

Par un arrêt du 7 février 2017, la Cour d’appel d’Orléans a reconnu la notion de harcèlement d’ambiance, portant atteinte à la dignité de la victime : "Le harcèlement sexuel peut consister en un harcèlement environnemental ou d’ambiance, où, sans être directement visée, la victime subit les provocations et blagues obscènes ou vulgaires qui lui deviennent insupportables. Ce que certains individus trouvent humoristique et ne portant pas atteinte à la dignité peut être blessant et humiliant pour d’autres, notamment en ce qui concerne les plaisanteries à connotation sexuelle dirigées à l’encontre des collègues de sexe féminin. Le harcèlement sexuel peut constituer en un harcèlement environnemental ou d’ambiance, où, sans être directement visée, la victime subit les provocations et blagues obscènes ou vulgaires qui lui deviennent insupportables". 

Un arrêt plus récent et très remarqué de la Cour d'appel de Paris (26 novembre 2024) appliquait cette jurisprudence à un cas de figure dans lequel la salariée invoquait un harcèlement d'ambiance à raison des agissements sexistes d'un groupe de collègues travaillant en open-space, produisant des échanges par mails intervenus entre plusieurs collègues à teneur sexuelle et comportant des photographies de femmes pour partie dénudées ou dans des positions suggestives, accompagnées de commentaires graveleux, la Cour relevant que cela révélait un "relâchement de nature à mettre mal à l'aise l'ensemble des femmes de l'équipe, et observant que la proximité matérielle des postes de travail, situés en open-space ainsi que la nature du travail effectué sur ordinateur exclusivement, sans qu'à aucun moment la société ne fasse usage, comme l'y autorise la charte relative à l'utilisation des outils informatiques et de communications en vigueur en son sein, de son pouvoir de contrôle des messages, ne permettaient pas à la salariée victime de s'abstraire de cet environnement et d'ignorer les images à caractère sexuel et les propos sexistes échangés portant atteinte à sa dignité de femme - cette situation ayant eu pour conséquence une dégradation de ses conditions de travail et une altération de son état de santé", ce qui "établit l'existence de propos sexistes et d'agissements à caractère sexiste et sexuel caractérisant un harcèlement d'ambiance à l'égard des femmes qui ont porté atteinte à la dignité de la salariée et créé un environnement hostile, dégradant, humiliant et offensant".

 

Un important arrêt de jurisprudence pénale reconnaissant le harcèlement d'ambiance

Dans ce contexte, un important arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation est venu, le 12 mars 2025, entériner une progression notable du harcèlement d'ambiance dans le contentieux pénal de l'infraction délictuelle de l'article 222-33 du code pénal.

Un maître de conférences de l'Université de Haute-Alsace a été poursuivi devant le tribunal correctionnel de Colmar du chef de harcèlement sexuel par personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, au préjudice de quinze étudiants, déclaré coupable de l'intégralité des faits qui lui étaient reprochés, et condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à trois ans d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle d'enseignant. Ayant relevé appel, le prévenu a été condamné par la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 6 septembre 2023, pour harcèlement sexuel aggravé, à six mois d'emprisonnement avec sursis, un an d'interdiction professionnelle, un an d'inéligibilité, et les intérêts civils.

L'Université de Haute-Alsace formait un pourvoi en cassation pour critiquer l'arrêt de la Cour d'appel qui s'attachait seulement à  qualifier la répétition des actes directement commis à l'égard de chacune des victimes, alors qu'en s'adressant à une assemblée d'étudiants (les 15 victimes), le prévenu avait imposé ses propos et comportements à connotation sexuelle à chacun d'eux à titre personnel.

La Chambre criminelle accueille ce pourvoi en considérant que "des propos à connotation sexuelle ou sexiste adressés à plusieurs personnes, ou de tels comportements adoptés devant plusieurs personnes, qui sont susceptibles d'être imposés à chacune d'entre elles, peuvent être pris en compte pour caractériser le délit de harcèlement sexuel". Ainsi, l'enseignant qui profère ces propos devant une assemblée d'étudiants, est réputé les avoir directement et personnellement adressés à chacun d'entre eux.

 

Et pour les fonctionnaires, qu'en est-il de la jurisprudence du juge administratif ?

Le juge administratif a, comme le juge judiciaire, progressé à petits pas pendant plusieurs années, vers la reconnaissance du harcèlement d'ambiance.

Sur requête du Cabinet Arvis Avocats représentant une fonctionnaire victime de harcèlement, un jugement du 19 novembre 2019 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise venait ainsi reconnaître ce type de harcèlement sexuel d'ambiance : "M.  X a  reconnu recourir facilement à l’humour à connotation sexuelle et ainsi avoir proféré certains des propos qui lui étaient prêtés, relatifs à des pratiques sexuelles incluant l’urine. La circonstance que l’intéressé en a minimisé la portée en indiquant qu’il ne s’agissait que de relater une blague entendue à la radio et qu’il n’avait pas entendu ainsi harceler son auditrice est sans incidence, dès lors que ces propos à connotation sexuelle étaient non désirés et ont eu pour effet de porter atteinte à sa dignité. Par ailleurs un agent, nommément désigné par la requérante comme ayant été témoin des propos à caractère sexuel tenus par M. X au sein du bureau qu’ils partageaient, a confirmé que celui-ci faisait très régulièrement des « blagues à connotation sexuelle », présentées et reçues par certains interlocuteurs comme de l’humour mais par d’autres de manière offensante. Ainsi s’il n’est pas établi que M. X aurait proféré toutes les paroles obscènes qui lui sont prêtées, il résulte en revanche de ce qui précède que celui-ci a tenu à Mme A. des propos à connotation sexuelle répétés, dans le cadre ou à l’occasion du service, non désirés par elle et ayant pour effet de porter atteinte à sa dignité.  Ces faits sont constitutifs de harcèlement sexuel".

Un pas important a été franchi par la jurisprudence du Conseil d'Etat, avec un arrêt récent et remarqué du 28 avril 2023, rendu sur requête d'un praticien hospitalier ayant été écarté du concours de recrutement des professeurs d'université – praticien hospitalier en gynécologie obstétrique, le Conseil d'Etat révélant qu'il avait adopté dans l’exercice de ses fonctions un comportement inapproprié à l’égard d’internes et d’étudiantes stagiaires en maïeutique, en particulier, en ayant montré à plusieurs reprises au sein du service des images et vidéos à connotation sexuelle. Le Conseil d'Etat a ce faisant confirmé qu'il n'était pas nécessaire que ce type de comportements soit destiné à une personne en particulier ; c'est une reconnaissance supplémentaire du harcèlement sexuel d'ambiance.

Pour contacter Maître Benoît ARVIS : contact@arvisavocats.fr