(Cet article concerne la suite d'une procédure sur laquelle une note a déjà été publiée sur ce site)

Le cabinet Arvis était l'avocat d'une fonctionnaire territoriale, employée au service courrier de sa collectivité, service dans lequel elle a subi des agissements à raison desquels elle a demandé une mesure de protection fonctionnelle pour "harcèlement moral et harcèlement sexuel".

L'autorité territoriale a diligenté une enquête au terme de laquelle elle a reconnu d'importants dysfonctionnements mais refusé de qualifier ceux-ci de harcèlement moral, et par ailleurs, a infligé à l'agente une sanction disciplinaire à raison de ses accusations de harcèlement sexuel, car les gestes et propos qu'elle a subis et dénoncés, bien qu'avérés et inadaptés ou déplacés, n'atteignaient pas un caractère de gravité suffisante pour qualifier un harcèlement sexuel, de sorte que cette accusation avait "porté préjudice" au collègue accusé (le chef de service).

L'enjeu pour la Cour administrative d'appel de Paris, saisie de ce litige, est de clarifier l'interprétation à donner aux conclusions ambiguës de l'enquête administrative, qui dans le même mouvement, reconnaît la matérialité d'agissements abusifs, mais sans pour autant leur donner une qualification de harcèlement, propre à protéger la requérante. 

La Cour estime d'abord que la requérante apporte des éléments faisant présumer des agissements de harcèlement moral, contenus dans le rapport d'enquête qui relève que l'agente a été délibérément isolée par un groupe de collègues qui ne lui adressaient plus la parole et incitaient d'autres agents à faire de même. La requérante produit également des témoignages et un rapport plus ancien révélant que l'ambiance relationnelle du service courrier était dégradée depuis longtemps sans que l'autorité territoriale n'ait agi pour y mettre un terme. L'administration veut renverser cette présomption de harcèlement en invoquant le comportement de la requérante à laquelle le rapport d'enquête reproche de s'isoler de ses collègues. Mais la Cour écarte cet argument en observant que c'est l'inaction de l'administration qui a poussé la requérante à s'isoler pour se protéger ; et la Cour observe que le groupe d'agents harceleurs a, lui, finalement été sanctionné par l'autorité territoriale. 

S'agissant ensuite du harcèlement sexuel, la Cour estime, comme l'avait fait le tribunal administratif en première instance, que les agissements dénoncés, commis par le supérieur hiérarchique de la requérante, consistant en des propos, et un geste, déplacés ou inadaptés, ne peuvent à eux seuls recevoir cette qualification. Mais pour autant, elle rappelle que le cadre juridique fixé par le statut interdit de sanctionner un agent qui aura dénoncé de bonne foi des faits de harcèlement. Et la Cour rappelle qu'en cette matière, la mauvaise foi consiste à relater de tels faits de harcèlement sexuel, en toute connaissance de leur fausseté et dans le seul but, notamment, de nuire à un autre agent, à un supérieur hiérarchique ou à l'image de l'administration, ou d'éviter le prononcé d'une sanction disciplinaire à raison d'autres faits.

En l'espèce, elle constate que les termes de la plainte pénale de la requérante, ainsi que de sa demande de protection fonctionnelle pour "harcèlement sexuel", et ses déclarations pendant l'enquête, sont révélateurs de sa sincérité et de sa bonne foi.

La sanction disciplinaire est, en conséquence, une mesure de rétorsion illégale et la Cour en prononce l'annulation.