Le cabinet Arvis Avocats a représenté une fonctionnaire hospitalière, infirmière en soins généraux, nommée stagiaire cadre de santé et affectée dans le service d'onco-gériatrie d'un hôpital de la région parisienne, mais licenciée de son stage au motif d'une insuffisance professionnelle que le directeur général de l'établissement hospitalier présente, dans son arrêté de licenciement, comme un positionnement inadapté au standard habituellement recherché chez un cadre de santé, notamment au regard du contrôle de ses émotions, de l’acceptation du changement, d’une attitude inappropriée vis-à-vis des tiers, ainsi que des difficultés à prendre des décisions d'organisation du service et de stabilisation de ses équipes.
Le contentieux devant le tribunal administratif est l'occasion de décrire les graves dysfonctionnements du service dans lequel la requérante était affectée, n'ayant pas permis que son stage se déroule dans des conditions régulières.
Le tribunal administratif de Montreuil accueille ce raisonnement par un jugement qui se fait le réquisitoire sévère de l'administration, dont il dénonce l'attitude consistant à accuser l'agent d'une faute qui relève en réalité d'un défaut grave de fonctionnement du service public hospitalier.
Ainsi, le Tribunal relève que les documents débattus dans l'instance et notamment les procès-verbaux du CHSCT, confirmés par un rapport de la Haute autorité de santé, démontrent que le service d'onco-gériatrie fonctionne en sous-effectif structurel grave, avec 24 cadres absents ou en grève, et un chef de service contraint de refuser des admissions. Les difficultés se concentrent en particulier sur le service de soins de suites et réanimation (SSR), dont 22 lits étaient sous la responsabilité de la requérante, en plus des 26 lits d'onco-gériatrie pour lesquelles seules 2 infirmières étaient disponibles et en mesure de donner des soins.
Cette situation avait donné lieu, avant l'arrivée de la requérante dans le service, à une alerte relayée par les organisations syndicales en CHSCT qui avaient fait faire une enquête dont les préconisations n'avaient pas été suivies. Le tribunal relève que le chef du service et président de la commission médicale d'établissement locale, apprenant la décision de licenciement de la requérante en fin de stage, lui avait écrit, amer, que cette décision était dénuée de sens au regard des conditions de travail et qu'elle n'aurait aucun mal à trouver un poste ailleurs compte tenu de ses compétences.
En fait, le Tribunal relève que le seul fait tangible au dossier établi contre la requérante est un mail adressé au collectif de travail et à la hiérarchie dans lequel elle dénonce une fausse accusation formée à son encontre d'avoir commis, en septembre 2020, une erreur de planning conduisant à ce qu'une seule infirmière soit présente en service SSR au lieu de deux. Dans son mail, la requérante se défendait en indiquant que la seconde infirmière était absente en raison d'un accident de la route.
C'est ce mail qui a été mal perçu par la hiérarchie qui y a vu une forme d'irrespect et une faute professionnelle. Ce reproche est désavoué par le tribunal, qui annule le licenciement.
Quatre enseignements sont à tirer de ce jugement exemplaire par sa lucidité et sa fermeté :
- Un stage n'a de valeur probatoire que pour autant qu'il aura été effectué dans des conditions permettant au stagiaire de faire ses preuves. Ce n'est pas le cas d'une cadre de santé stagiaire affectée dans un service hospitalier en manque critique de personnel soignant,
- Le rôle d'alerte et de déclenchement d'enquête, qui permet de constituer les preuves des dysfonctionnements structurels, appartient en premier chef aux membres du CHSCT (aujourd'hui formation spécialisée SSCT) et aux organisations syndicales,
- Un cadre de santé ne peut se voir reprocher d'avoir protesté par écrit contre une accusation lui imputant inexactement une faute professionnelle. L'invocation d'un devoir de réserve n'autorise pas à le contraindre de se taire,
- la conséquence de l'annulation d'un licenciement en fin de stage est que le tribunal dispose d'un pouvoir d'injonction qui lui permet ici de contraindre l'administration hospitalière à réintégrer l'agent ; à lui accorder un renouvellement de sa période de stage ; et enfin, à l'affecter dans un autre service pour que ce stage se déroule dans des bonnes conditions.
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