La difficulté des fonctionnaires à sortir d'une situation d'inaptitude médicale prolongée, surtout lorsque celle-ci est en lien avec l'exercice des fonctions, tient au fait que les agents ont trop rarement accès aux dispositifs statutaires destinés à leur permettre de reprendre une activité professionnelle satisfaisante. Et pourtant ces dispositifs existent, et l'on peut même dire qu'ils n'ont jamais été aussi nombreux : bilan de compétence, congé de formation professionnelle, aménagement de poste ou allègement de service, temps partiel thérapeutique, reclassement professionnel, etc..

L'enjeu consiste, pour l'agent, à composer avec les difficultés de santé liées à la sortie de l'inaptitude médicale prolongée (handicap, maladie consolidée avec nécessité de soins permanents), tout en préparant son retour dans une situation professionnelle qui soit la mieux adaptée, non seulement à ses compétences, mais aussi à ses restrictions médicales.

Une bonne application de ces dispositifs pourrait permettre une sortie anticipée de l'inaptitude médicale, mais les statistiques révèlent que bien peu d'administrations sont capables de parvenir à cet objectif, qui réduirait pourtant considérablement le coût des arrêts de travail. L'enquête "Absentéisme pour raison de santé en 2012", réalisée par la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, révélait ainsi que les agents des trois fonctions publiques s'étaient vus accorder, pour cette même année 2012, près de 19 millions de jours d'arrêt maladie, dont 6,76 millions pour longue maladie ou longue durée (soit 36 % des arrêts de travail pour une situation d'inaptitude prolongée) : https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/statistiques/chiffres_cles/pdf/chiffres-cles_2016.pdf

Par ordonnance du 19 janvier 2017, les trois lois statutaires ont été modifiées pour accueillir un nouveau dispositif, destiné à accompagner l'agent vers son retour à l'emploi après un congé pour raison de santé : la "période de préparation au reclassement". Le décret d'application, très attendu, est paru le 20 juin 2018 (pour la fonction publique de l'Etat uniquement).

Désormais, le Statut accueille ce régime juridique inédit, qui prévoit qu'un agent reconnu définitivement inapte aux emplois de son corps d'origine a droit, avant d'être nommé dans un nouveau corps ou cadre d'emploi, à une période intermédiaire, dite de préparation au reclassement.

D'une durée d'un an maximum, et rémunérée car considérée comme une période de service effectif, la période de préparation au reclassement a, comme son nom l'indique, vocation à mettre l'agent en situation de réussir sa réorientation professionnelle en anticipant ses besoins de formation et d'adaptation aux fonctions de son nouveau corps. Un projet de préparation au reclassement, document écrit, doit être établi entre l'administration et son agent, prévoyant les diverses actions à mener (formation, observation, mise en situation, stage, etc.) et les modalités de leur évaluation. L'agent peut être reclassé à l'issue de la période, ou même de manière anticipée, si les résultats sont satisfaisants (et bien que le décret ne le précise pas, si le reclassement est un échec, l'agent est alors licencié pour inaptitude physique de son corps d'origine).

Entré en vigueur le 23 juin 2018, ce régime juridique doit maintenant être mis en œuvre par les administrations, ce qui implique, aussi, qu'il soit sollicité par les agents eux-mêmes, avec le soutien des organisations syndicales. D'une nature intrinsèquement contractuelle (le "projet de préparation" est une sorte de convention qui doit être établie et signée par les deux parties), la période de préparation au reclassement ne peut fonctionner que si le contrat est, pour reprendre la belle formule du Code civil, "négocié, formé et exécuté de bonne foi" (art. 1104).

Cela suppose que l'agent ait la volonté de reprendre son activité professionnelle, au prix d'efforts d'adaptation qui peuvent être considérables ; mais cela suppose aussi que l'administration fasse évoluer ses pratiques, et s'implique activement dans la sortie de l'inaptitude prolongée de ses agents.