La Cour administrative d'appel de Paris a été saisie par le cabinet Arvis Avocats, au nom d'un fonctionnaire ayant subi, dans l'exercice de ses fonctions, un accident reconnu imputable au service, après lequel il a été affecté d'un handicap (reconnu RQTH) ayant perturbé sa reprise d'activité au sein de son administration.

Sur trois points essentiels, la Cour a fait droit à la demande de condamnation de l'administration à réparer les préjudices financier, moral et de santé de l'agent :

En premier lieu, la Cour constate que l'agent qui était, avant son accident, affecté en service de nuit, s'est plaint d'une réaffectation en service de jour à son retour, lui ayant fait perdre ses indemnités de travail de nuit. La Cour confirme que cette réaffectation s'étant accompagnée d'une importante perte de rémunération, est une véritable mutation. Ensuite, la Cour estime cette mutation illégale en la forme : l'agent doit pouvoir être mis en mesure au préalable, de faire valoir ses observations et d'avoir accès à son dossier. Enfin, et surtout, la Cour, constatant que le service de médecine statutaire avait donné un avis favorable au service "de jour comme de nuit", considère que l'administration ne prouve pas qu'elle était "dans l'impossibilité d'affecter l'agent en service de nuit", moyennant quoi l'intérêt du service n'est pas démontré et la décision de mutation est illégale.

Ce raisonnement confirme qu'en matière d'emploi vacant, la charge de la preuve repose sur l'administration : ce n'est pas à l'agent de démontrer qu'il existe des emplois vacants qui lui correspondent ; c'est au contraire à l'administration de démontrer que de tels emplois vacants n'existent pas (selon la règle issue de l'arrêt Cordières : C.E. 26 novembre 2012, n° 354.108, A).

L'intérêt particulier de l'application de cette règle en l'espèce, tient au fait que l'agent a réintégré son service en temps-partiel thérapeutique en raison du handicap résultant de l'accident de service ; la réaffectation d'office en service de jour était justifiée par l'administration au motif qu'aucun poste en service de nuit n'était à temps partiel. Mais la Cour a également écarté cet argument, considérant implicitement que l'agent doit pouvoir bénéficier d'un temps partiel (en service de nuit) même si cela implique de transformer son poste à temps plein.

En deuxième lieu, la Cour a sanctionné l'administration pour avoir, au retour du congé pour accident de service, maintenu l'agent sans tâches précises à accomplir pendant plusieurs mois. Ce faisant, la Cour confirme le principe selon lequel tout agent a le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade. Est écartée l'argumentation de l'administration, qui prétendait que le retard était dû aux difficultés à trouver un poste adapté au handicap de l'agent : en cette matière, l'administration a une obligation de diligence particulière et ne peut faire attendre l'agent plus que de raison (même en le rémunérant entre-temps).

Enfin en troisième lieu, l'administration est condamnée pour n'avoir pas fourni à l'agent le "siège de bureau ergonomique bien adapté pour effectuer les tâches administratives" qui était préconisé par la médecine du travail, et dont l'agent a été privé pendant plusieurs mois malgré ses demandes répétées.

En conclusion, sur ces trois points, la Cour administrative d'appel de Paris a confirmé trois obligations essentielles de l'administration à l'égard d'un fonctionnaire handicapé par le fait d'un accident de service :

- maintenir l'agent sur son emploi d'origine s'il le souhaite et s'il en est apte,

- fournir rapidement des tâches concrètes et adaptées à l'agent,

- et mettre à disposition de l'agent tous les matériels ou outils de travail nécessaires à la bonne adaptation de son poste de travail à son handicap.