La protection fonctionnelle est un régime juridique au bénéfice duquel l'agent est admis lorsqu'il est victime de certains types d'attaques dans l'exercice de ses fonctions. Dans ce régime juridique, l'administration doit adopter toutes les mesures propres à faire cesser les attaques, et réparer les préjudices subis.

Il n'y a pas de typologie réglementaire des mesures propres à faire cesser les attaques, chaque situation étant unique. Ce qui importe est que les mesures prises soient utiles, adaptées, et efficaces. Inéluctablement, l'appréciation de ces critères donne lieu à du contentieux.

Dans un jugement de principe, signalé d'intérêt jurisprudentiel "C+" et qui a fait couler beaucoup d'encre (chez les magistrats, les avocats, les enseignants, les syndicats, dans la presse spécialisée…), le Tribunal administratif de la Martinique a statué sur l'utilité des mesures prises à l'occasion d'un litige d'exécution d'une décision de protection fonctionnelle.

Une maîtresse de conférences titulaire de l'université des Antilles a fait l'objet d'agissements harcelants commis par le professeur des universités et directeur de son laboratoire, et elle a, à ce titre, obtenu une décision de protection fonctionnelle du président de l'université. Pour l'exécution de cette mesure de protection fonctionnelle, l'université a réglé les honoraires du cabinet dans la procédure pénale, qui a donné lieu à un jugement du 18 octobre 2021 du tribunal correctionnel de Fort-de-France reconnaissant le harcèlement moral et condamnant le prévenu à une peine d'emprisonnement de trois mois avec sursis, et s'est achevée par un arrêt du 27 avril 2023 de la cour d'appel de Fort-de-France prononçant contre le prévenu, qui avait interjeté appel, un doublement de la peine, réhaussée à un emprisonnement délictuel de six mois avec sursis.

En parallèle de cette procédure pénale, le prévenu ayant conservé la confiance du président de l'université, a été maintenu dans ses fonctions sans être suspendu ni faire l'objet d'une procédure disciplinaire, ce qui l'a conduit à conserver un pouvoir important sur les conditions de travail de sa victime. Celle-ci a en conséquence, demandé au président de l'Université d'adopter des mesures qui, en exécution de la protection fonctionnelle, devaient lui permettre d'être mise à l'abri de son harceleur et d'occuper ses fonctions d'enseignante chercheure en toute sécurité. La décision de refus opposée à cette demande fait l'objet d'un contentieux administratif.

Devant le tribunal administratif de la Martinique, le président de l'Université se défend en rappelant qu'il a non seulement pris une décision de protection, mais aussi une mesure d'exécution de cette protection, en finançant les honoraires d'avocat de la maîtresse de conférences dans la procédure pénale où elle est constituée partie civile.

Le tribunal administratif de la Martinique rejette l'argument en constatant qu'il résulte de la requête présentée par le cabinet, que le harcèlement moral se poursuit dans le département, en dépit de la condamnation pénale, et que cette situation impose l'adoption de mesures effectives permettant de rétablir, pour la requérante, une situation de travail saine et sécurisée. Le tribunal annule en conséquence la décision du président de l'université refusant de prendre lesdites mesures, et par suite, enjoint à ce dernier d'agir pour permettre à la maîtresse de conférences de n' être plus confrontée à son harceleur dans le cadre de ses fonctions, ce dernier ne devant, en particulier, plus intervenir sur sa situation administrative, rétablir un service d'enseignement équitable, la laisser participer aux réunions sans sa présence, et surtout, permettre à la requérante de candidater au concours de professeur des universités sans sa présence dans le jury.

Ces mesures sont assorties par le tribunal d'un délai d'un mois.

Epilogue (qui n'apparaît pas dans le jugement) : un mois plus tard, l'Université annonce que le professeur quitte ses fonctions pour être mis en retraite…