Par principe, l’annulation d’un acte administratif concerne la totalité de celui-ci. Toutefois, rien n’interdit au Juge administratif, notamment lorsque cela lui est demandé, la plupart du temps par le défendeur, de n’annuler que partiellement l’acte.

Cette possibilité d’annulation partielle a été codifiée en matière de contentieux des autorisations de construire à l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme :

« Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation »

 

Dans le cadre de l’analyse d’un recours contre un permis de construire, la CAA de LYON a relevé deux moyens susceptibles d’entrainer son annulation (violation de l’article L. 423-5 du CU et de l’article UM-C 11-2-1 du règlement du PLU).

Les autres moyens soulevés, qui n’étaient donc pas susceptibles d’entrainer l’annulation, ont été écartés par le considérant classique, l’économie de moyen étant prohibée en droit de l’urbanisme par l’article L. 600-4-1 : « Considérant que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen invoqué par les requérants ne paraît susceptible, en l'état de l'instruction, de fonder l'annulation des décisions contestées ».

La Cour a ensuite constaté que les moyens d’annulation retenues étaient susceptibles d’entrainer une annulation seulement partielle de l’autorisation attaquée, et l’a donc prononcée.

 

Un pourvoir en cassation a été formé et le Conseil d’Etat a décidé, dans un arrêt du 16 octobre 2017, n°398902 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque le juge administratif décide, sur leur fondement, de limiter à une partie du projet l'annulation de l'autorisation d'urbanisme qu'il prononce, il lui appartient de constater préalablement qu'aucun des autres moyens présentés devant lui susceptibles de fonder une annulation totale de cette autorisation ne peut être accueilli et d'indiquer dans sa décision pour quels motifs ces moyens doivent être écartés ;

3. Considérant qu'après avoir écarté le moyen tiré de l'irrégularité de l'intervention d'un permis rectificatif aux lieu et place d'un nouveau permis la cour a fait droit aux moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 425-3 du code de la construction et de l'habitation et UM-C 11 du règlement du plan local d'urbanisme par les dispositions du permis concernant les surfaces commerciales situées en rez-de-chaussée ; que, faisant application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, elle n'a ensuite prononcé qu'une annulation partielle du permis de construire attaqué ;

4. Considérant que la cour n'a pas indiqué les raisons pour lesquelles elle estimait que les autres moyens invoqués par les requérants, dont elle était saisie par l'effet dévolutif de l'appel, et qui étaient susceptibles d'entraîner une annulation totale des permis contestés, n'étaient pas fondés ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait, avant de prononcer en application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, l'annulation partielle du permis de construire, de constater qu'aucun des autres moyens invoqués devant elle n'était fondé et d'indiquer dans sa décision pour quels motifs ceux-ci devaient être écartés, la cour a insuffisamment motivé sa décision ; que, par suite, M. T...et autres sont fondés, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'article 5 de l'arrêt qu'ils attaquent ;

 

Le Conseil d’Etat rappelle ainsi qu’en présence d’une annulation partielle, il revient au Juge de motiver le rejet de chacun des moyens présentés devant lui sans se limiter à rejeter, sans analyse, les moyens de la requête qu’il estime non fondés.

Dans le cas d’espèce, il revenait donc à la CAA de LYON, avant de procéder à l’annulation partielle du permis litigieux, d’analyser chacun des moyens soulevés par le requérant sans se limiter aux seuls moyens susceptibles d’entrainer l’annulation (seulement partielle) de l’autorisation querellée.

Le Conseil d’Etat fait ici une application (assez stricte) des dispositions de l’article L. 9 du code de justice administrative lequel impose aux jugements d’être motivés.

 

Conseil d’Etat, 16 octobre 2017, Association Vivre en Ville et autres, req. n°398902, mentionné aux Tables du Recueil Lebon.