La durée de validité d’un permis de construire est arrêtée par les dispositions de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme (aujourd’hui délai de base de 3 ans).

Toutefois, pour assurer un certain équilibre au bénéficiaire de l’autorisation en cas de recours contre celle-ci, l’article R. 424-19 du même code dispose :

« En cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de l'article L. 480-13, le délai de validité prévu à l'article R. 424-17 est suspendu jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle irrévocable »

 

La SCCV Les Balcons d’Arly était titulaire d’un permis de construire une résidence de tourisme délivré le 12 avril 2007. Celle-ci a déposé le 4 avril 2008 une demande de permis de construire modificatif, laquelle a été rejetée. Cette décision de rejet a fait l’objet d’une annulation contentieuse.

A la suite du jugement rendu, la commune a procédé à un nouvel examen mais a opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire modificatif, par arrêté du 17 septembre 2012, au motif de la révision en cours du PLU (Nota : en procédure contentieuse, la décision opposant un sursis à statuer s’analyse comme une décision de refus de permis - CE, 9 mars 2016, req. n°383060).

Cette nouvelle décision a fait l’objet d’un recours et a été annulée par le Tribunal administratif de Grenoble. En appel, la commune arguait de ce que le sursis à statuer, s’analysant comme un refus de permis, pouvait être opposé dès lors que le permis de construire initial était caduc, en l’absence de commencement des travaux dans son délai de validité.

La CAA de Lyon confirmait ici le jugement rendu par un arrêt du 14 juin 2016, n°14LY02741 :

« Considérant que s'il est constant que les travaux autorisés par le permis de construire initial délivré le 12 avril 2007, qui a été transféré à la SCCV Les Balcons de l'Arly par arrêté du 24 juillet 2007, n'ont reçu aucun commencement d'exécution, cette autorisation était toutefois en cours de validité lorsque, le 4 avril 2008, un permis modificatif a été sollicité ; qu'en application des dispositions de l'article R. 424-19 du code de l'urbanisme, le délai de validité de cette autorisation a été suspendu du 3 avril 2009, date de saisine du tribunal administratif, jusqu'à l'expiration du délai d'appel ouvert à l'encontre du jugement du 23 février 2012 ; qu'ainsi, la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que le permis qu'elle avait initialement accordé était devenu caduc lorsque, le 18 juillet 2012, a été confirmée, au titre de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, la demande de permis de construire modificatif du 4 avril 2008, de laquelle, au demeurant, elle ne se distingue pas »

 

La position de la CAA de Lyon peut ici s’expliquer à la fois par la volonté de protéger le bénéficiaire du permis initial des illégalités ou du mauvais vouloir de l’administration dans l’instruction de sa demande de permis modificatif mais aussi par le caractère particulier du permis modificatif, qui ne fait qu’un avec le permis initial (celui-ci porte d’ailleurs le même numéro que le permis initial assorti seulement de la mention M avec le numéro de modificatif).

 

Cependant, le Conseil d’Etat, par un arrêt du 21 février 2018, req. n°402109, mentionné aux Tables vient juger :

« La cour administrative d'appel de Lyon a jugé que le délai de validité du permis de construire dont était titulaire la SCCV Les Balcons de l'Arly et pour lequel elle demandait la délivrance d'un permis modificatif avait été, en application des dispositions de l'article R* 424-19 du code de l'urbanisme citées au point 3, suspendu pendant la durée du recours formé par la société contre le refus de lui délivrer le permis de construire modificatif. En statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article R* 424-19 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables en cas de recours du bénéficiaire d'un permis de construire contre le refus de lui délivrer un permis de construire modificatif, la cour administrative d'appel de Lyon a entaché son arrêt d'une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé »

 

Ainsi, le recours contentieux contre le refus de permis de construire modificatif ne vient aucunement suspendre le délai de validité du permis de construire initial.

La position retenue par le Conseil d’Etat parait ici particulièrement stricte. En effet, l’on voit mal le bénéficiaire d’un permis mettre en œuvre ses travaux dans le respect du permis initial alors même qu’il souhaite modifier ceux-ci par permis modificatif…

 Cependant, à la lecture de l’article R. 424-19 du code de l’urbanisme, l’on constate bien que celui-ci ne vise bien que le recours contre le permis de construire. La juridiction du Palais Royal n’a donc fait qu’appliquer littéralement le texte.

Cette contrainte de commencement des travaux initialement autorisés dans l’attente d’un jugement définitif rendu sur le refus de permis de construire modificatif est toutefois minimisée pas les possibilités actuelles de prorogation du délai de validité du permis initial (délai de validité total de 5 ans).

Ce n’est ainsi que si la procédure contentieuse contre le refus de permis modificatif n’est pas définitivement jugée avant la fin du délai de validité du permis initial que le bénéficiaire devra faire un choix : soit abandonner la totalité de son projet (le permis initial devient caduc), soit débuter ses travaux dans le respect du permis initial… Malheureusement, au regard des délais de jugement applicables en matière administrative, le bénéficiaire pourrait bien devoir se retrouver à faire ce choix.

Conseil d'Etat, 21 février 2018, SCCV Les Balcons de l'Arly, req. n°402109, mentionné aux Tables.