CE, 1er juin 2016, M. A, req. n°392621
Par un décision du 1er juin 2016, le Conseil d'Etat est venu préciser les conditions dans lesquelles l'administration devait établir l'insuffisance professionnelle d'un agent public pour entreprendre son licenciement.
La Haute juridiction a rappelé que l'inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondée que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions.
Toutefois, une telle précaution n'implique pas pour autant que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées.
C'est la raison pour laquelle le juge administratif considère en principe qu'une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions peut justifier légalement son licenciement.
Au cas présent, M. A, formateur dans un centre de formation des apprentis, a fait l'objet d'une inspection pédagogique à laquelle il s'est opposé en refusant de dispenser son cours aux apprentis.
Un rapport de l'inspection pédagogique établi à cette occasion et tenant compte de cet incident ainsi que des documents pédagogiques fournis aux élèves a fait ressortir que l'agent :
« 7. (…) assure un enseignement en mathématiques, au demeurant réducteur au regard des recommandations pédagogiques nationales car effectué principalement sous forme d'activités, il ne dispense aucun enseignement en sciences physiques ; que l'objectif pédagogique des cours qu'il dispense n'est pas clairement identifié et que l'évaluation des acquisitions des apprentis est absente ; »
C'est notamment sur la fondement de ce rapport que M. A a été licencié. Il a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Montpellier lequel a rejeté sa demande.
Saisie par l'agent, la Cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement attaqué au motif qu'une seule inspection ne saurait : « en raison de son caractère ponctuel et limité, sauf carences particulièrement graves ou persistantes déjà constatées, suffire à fonder une mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle ».
La commune employeur s'est pourvu en cassation devant le Conseil d'Etat lequel a censuré l'analyse de la Cour pour erreur de droit.
Les juges du Palais royal ont en effet considéré :
« (…) ; qu'(...) aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne fait obstacle à ce que l'insuffisance professionnelle d'un agent contractuel de la fonction publique territoriale exerçant des fonctions d'enseignement dans un centre de formation des apprentis soit constatée à l'occasion d'une visite d'inspection pédagogique diligentée dans les conditions prévues par les articles R. 6251-1 et suivants du code du travail et portant sur l'activité pédagogique de l'agent examinée dans la durée ; (...) »
Par ailleurs, statuant sur le fond du litige, le Conseil d'Etat a considéré que, compte tenu du fait qu'il s'est lui-même opposé, le jour de l'inspection, à l'entrée des apprentis dans la classe et a refusé de dispenser son cours, le requérant ne pouvait utilement soutenir que l'appréciation de sa valeur professionnelle ne pouvait reposer essentiellement que sur les documents pédagogiques relatifs à l'année scolaire 2011-2012 dont disposaient les élèves.
Enfin, le Conseil d'Etat relève que l'insuffisance professionnelle de l'agent est bien caractérisée à la vue des pièces du dossier en précisant que la circonstance que M. A n'avait jamais fait l'objet auparavant d'une évaluation professionnelle n'est pas de nature à faire obstacle à ce que son insuffisance professionnelle puisse être relevée.
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