La délivrance d’un permis de construire est un préalable nécessaire à toute opération de construction qui entre dans son champ d’application.

Toutefois, le processus d’obtention de cette autorisation peut prendre du temps (consultations diverses, manque de moyens des services instructeurs…).

Or, le manque de temps ne fait pas bon ménage avec un projet immobilier et peut même conduire à son abandon (perte de financement, expiration d’une promesse de vente…).

C’est pourquoi le code de l’urbanisme prévoit – sous certaines conditions – que l’absence de réponse de l’administration à la demande du pétitionnaire dans le délai d’instruction donne naissance à une autorisation tacite.

Que se passe-t-il toutefois lorsque l’administration, postérieurement à la naissance de cette décision tacite, rend une décision refusant le permis de construire ?

 

I – L’absence de réponse de l’administration pendant le délai d’instruction peut donner naissance à un permis de construire tacite

L’article L.424-2 du code de l’urbanisme dispose que :

« Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. »

Ce délai d’instruction ne court qu’à compter de la réception en mairie d’un dossier complet (R.423-19 du code de l’urbanisme) et le dossier de demande est réputé complet si les services instructeurs n’ont pas dans le délai d’un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur la liste des pièces manquantes (TA Marseille, 12 mai 2010, SARL Les Jardins de l’Arc, req. n°0805182).

Si une demande de pièces complémentaires est formée dans le délai d’un mois, le délai ne court qu’à compter de la réception de ces pièces (CE, 27 avril 2011, Commune de Carouges, req. n°344870 ; TA Melun, 24 mars 2011, Vernerey et Brun, req. n°0801633).

Cependant, si les pièces complémentaires n’ont pas été demandées dans le délai d’un mois, le délai d’instruction du permis n’est pas interrompu et le bénéficiaire dispose d’un permis de construire tacite à l’expiration du délai d’instruction initialement prévu et ce même s’il a transmis les pièces complémentaires à l’administration (CAA Nancy, 9 juin 2011, M. et Mme R., req. n°10NC01064).

Les délais d’instruction de la demande de permis de construire varient en fonction des caractéristiques de chaque projet.

Dans certains cas limitativement énumérées par le code de l’urbanisme, le défaut de notification de décision expresse à l’issue du délai d’instruction constitue une décision de refus implicite qui ne donne pas droit à construire.

Toutefois il faut retenir qu'en principe l’absence de décision explicite dans le délai d’instruction donne naissance à une autorisation tacite sur la base de laquelle le demandeur peut commencer sa construction, sous certaines conditions.

 

II – La décision de refus de permis de construire qui intervient au-delà de la date d’expiration du délai d’instruction vaut retrait

Dans les cas où le silence de l’administration vaut décision implicite d’acceptation, le titulaire de l’autorisation implicite peut afficher sur le terrain du projet le récépissé du dépôt de sa demande et commencer les travaux tout en gardant à l’esprit qu’un délai de recours ouvert aux tiers court pendant un délai de deux mois à compter de l’affichage de la décision.

Il peut également demander à l’administration de lui délivrer un certificat lui reconnaissant le bénéfice d’une autorisation tacite.

Toutefois que se passe-t-il si l’administration rend une décision de refus après la naissance d’une autorisation tacite ?

Les tribunaux analysent une telle décision comme une décision de retrait laquelle est strictement encadrée par les textes et la jurisprudence.

En effet, l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme précise que :

«  (…) Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire. »

Or, la notification d’un arrêté refusant le permis de construire tacitement accordé du fait de l’expiration du délai d’instruction équivaut à un retrait d’une décision créatrice de droits (CE 18 janvier 1980, Thébaut, Dr. adm. 1980, n° 49 ; CE 8 février 1980, Rellé, Dr. adm. 1980, n° 82 ; CE 13 novembre 1981, Baumert, Lebon p. 412, Dr. adm. 1981, n° 404 ; CE 10 mai 1985, Commune d'Aigues-Mortes, Lebon p.146)

Par conséquent, une telle décision ne peut intervenir qu’après que la personne intéressée ait été mise à même de présenter des observations (CE, 30 mai 2007, SCI Agyr, n°288519 ; CE, 23 avril 2003, Société Bouygues Immobilier, req. n°249712 ; CAA Marseille, 20 décembre 2012, Commune d’Ajaccio, req. n°11MA02086 ; CAA Lyon, 29 septembre 2015, M. Ripert, n°14LY00822 ; CAA Bordeaux, 2 novembre 2006, Staneck, n°04BX01608).

L’autorité administrative ne peut être exonérée de cette obligation que dans des cas d’urgences ou des situations exceptionnelles (CE, 10 mars 2010, M. et Mme Thévenet c/ Commune de Jacou, req. n°324076) ou dans le cas où elle se trouverait en situation de compétence liée (CAA Versailles, 12 mai 2011, M. Champ, req. n°10VE00764).

Par ailleurs, s’agissant du retrait d’une décision créatrice de droits, celle-ci doit être spécialement motivée et contenir les considérations de droit ou de fait qui le fonde (article L.211-2 et L.211-5 du code des relations entre le public et l’administration).

Le titulaire d’un permis de construire tacite qui serait retiré par la délivrance au-delà du délai d’instruction d’une décision de refus explicite doit saisir le juge administratif pour en demander l’annulation.