Le 5 juin dernier, le Tribunal judiciaire de Paris a condamné la société Airbnb Ireland à rembourser au propriétaire d’un appartement des sous-loyers et des commissions issus d’une sous-locations non autorisées par ce dernier.

Les juges ont de nouveau appliqué la théorie de l’accession (suivant laquelle la propriété immobilière donne droit sur tout ce qu’elle produit) pour indemniser un bailleur qui n’avait pas donné autorisation à son locataire de sous-louer son bien sur Airbnb (CA Paris, 5 juin 2018, n°16/10684).

La décision du 5 juin 2020 présente l’originalité de condamner directement la plateforme (et non plus uniquement le locataire) en raison de son rôle actif dans une opération illicite.

L’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 dispose en effet : « Le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l'accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer. Le prix du loyer au mètre carré de surface habitable des locaux sous-loués ne peut excéder celui payé par le locataire principal. Le locataire transmet au sous-locataire l'autorisation écrite du bailleur et la copie du bail en cours. (...) ».

Le tribunal a considéré que la plateforme Airbnb n’exerçait pas une simple activité d’hébergement à l’égard des hôtes mais bien une activité d’éditeur au sens de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004.

Cette analyse se fonde sur la capacité de la plateforme à connaitre les intentions de ses utilisateurs et à contrôler leurs comportements, notamment en exigeant de ces derniers de se conformer à la charte de valeur, en leur attribuant des distinctions (récompenses « superhost», promotion de la réactivité…) ou en prononçant des sanctions en cas de non-respect des directives (notations, restriction de la faculté d’annulation, retrait de contenus ou de pénalités...).

Les conditions de service permettent également à la plateforme d’exiger la communication de documents pour prévenir les fraudes ou de consulter des bases de données, ou toute autre source d’informations, pour identifier les membres ou obtenir des informations sur eux auprès des autorités locales dans le respect des lois.

Le Tribunal en a donc déduit que le rôle actif d’Airbnb dans la mise en relation des hôtes et des voyageurs lui permettait de vérifier que les hôtes ne commettent pas d’actes illicites au préjudice du bailleur, notamment en sous-louant des biens sans son autorisation.

Si elle n’effectue pas ces vérifications et que cette abstention cause un préjudice au bailleur, Airbnb commet une faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis de l’intéressé.

Cette décision va sans doute conduire les plateformes d’intermédiation à exiger désormais des hôtes qu’ils justifient de leur titre de propriété ou, à défaut, d’un accord du propriétaire pour effectuer des sous locations.

Mais rappelons que l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 plafonne les sous loyers au montant du loyer payé par le locataire principal au bailleur.

Airbnb va-t-elle devoir s’assurer en plus que le montant total des sous loyers perçus par ses hôtes ne dépasse pas le loyer principal payé par ces derniers aux bailleurs ?

En d’autres termes, un bailleur pourrait-il tenir la plateforme responsable d’une carence dans la fixation du prix des nuitées lorsque le total de celles-ci dépasse le loyer dû au titre du bail principal.

A notre sens oui, puisque cette disposition est d’ordre public pour tous les baux d’habitation constituant la résidence principale de l’occupant et que la plateforme Airbnb participe à la fixation du prix des nuitées par des recommandations et par une solution de tarification intelligente.

On voit mal en effet comment on pourrait reprocher à Airbnb de ne pas vérifier l’existence d’une autorisation de sous-location sans s’assurer, le cas échéant, que l’hôte ne perçoit pas une rétribution supérieure au montant de son loyer.

D’autant plus que les frais de services prélevés par Airbnb devraient logiquement être pris en compte pour déterminer l’existence d’un éventuel dépassement.

Tout dépassement, commission de la plateforme comprise, serait alors théoriquement restituable sans que puisse être invoqué l’enrichissement sans cause du propriétaire.

Combinée avec le plafonnement des loyers parisiens, cette solution pourrait réduire significativement les revenus tirés des locations Airbnb pour certains.

Si elle devait être confirmée par les juridictions supérieures, elle pourrait marquer un nouveau coup dur pour le développement de la plateforme en France.