CE, 10 février 2017, n°383329

Le 26 janvier 2004, le maire de Saint-Gilles a autorisé une société à lotir en 61 lots un terrain d'une contenance d'environ 17 ha sur le territoire de cette commune du Gard. Le 29 avril 2004, le maire a procédé au retrait de cette autorisation. Le pétitionaire a saisi le tribunal administratif de Nîmes qui a annulé définitivement cet arrêté. La société rétablie dans ses droits va alors demander à la Communauté d'Agglomération Nîmes Métropole et à la commune de Saint-Gilles l'autorisation de procéder aux raccordements aux réseaux publics d'eaux usées et d'eau potable, ce qui lui sera refusé. Le 26 novembre 2009, le maire de la commune met en demeure la société de cesser immédiatement les travaux entrepris sur la parcelle concernée. La société va alors saisir de nouveau le tribunal administratif de Nîmes pour demander l'annulation de l'arrêté interruptif de travaux et de la décision par laquelle il lui a été refusé l'autorisation de procéder aux raccordements aux réseaux publics. Le Tribunal puis la Cour administrative d'appel de Lyon vont rejeter ces demandes.

La commune et la communauté d'agglomération défenderesses considèraient notamment que l'autorisation de lotir dont était titulaire la société requérante à compter du 8 décembre 2006 (suite à l'annulation du retrait de celle-ci par le tribunal) devait être regardée comme frappée de caducité à compter du 9 décembre 2008 dans la mesure où la société pétitionnaire n'avait pas engagé de travaux. En conséquence, elles s'estimaient légalement fondées à ordonner désormais l'interruption des travaux et refuser les raccordements demandés par le pétitionaire.

La société requérante considèrait quant à elle son autorisation valide dans la mesure où elle prétendait n'avoir pas pu commencer les travaux en raison du seul retard pris par le préfet du Gard à instruire sa demande d'autorisation présentée au titre de la loi sur l'eau.

La Cour a considéré que :

"(...) la SARL Immoconseil pouvait entreprendre, à compter du 14 décembre 2006, les travaux d'aménagement du lotissement ne nécessitant pas une autorisation au titre de la loi sur l'eau ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le permis de lotir et l'autorisation au titre de la loi sur l'eau étant accordés en vertu de législations distinctes et selon des procédures indépendantes, la circonstance que la seconde était en cours d'instruction ne faisait pas obstacle à ce que les travaux autorisés par le premier soient réalisés ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'espèce aucun des travaux autorisés par l'autorisation de lotir ne pouvait être débuté indépendamment de l'obtention de l'autorisation au titre de la loi sur l'eau ; que, le commencement des travaux autorisés par l'autorisation de lotir n'étant pas subordonné à l'autorisation au titre de la loi sur l'eau, la SARL Immoconseil ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article R. 424-20 du code de l'urbanisme qui prévoient que, lorsque le commencement des travaux est subordonné à une autorisation ou à une procédure prévue par une autre législation, le délai de péremption court à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette législation ; que, dès lors, l'absence de commencement des travaux durant la durée de validité de l'autorisation de lotir ne peut être regardée comme étant imputable à l'administration, qui aurait tardé à délivrer à la société requérante une autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, alors que la SARL Immoconseil n'a pas contesté l'opposition du préfet à sa déclaration de travaux au titre de la loi sur l'eau au motif que son projet nécessitait une autorisation, ni d'ailleurs commencé les travaux si elle s'estimait, comme elle le soutient, bénéficiaire d'une décision de non-opposition à déclaration de travaux, a attendu le 19 décembre 2007 pour déposer une demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau, et n'a pas sollicité, sur le fondement de l'article R. 424-21 du code de l'urbanisme, la prorogation de l'autorisation de lotir dont elle bénéficiait ; que, par suite, l'autorisation de lotir est devenue caduque le 9 décembre 2008 ;" (CAA Lyon,  3 juin 2014, n°11LY21932)

La Conseil d'Etat, saisi par le pétitionnaire, va sanctionner l'erreur de droit ainsi commise par la juridiction d'appel.

La haute juridiction va considérer qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles R. 424-17 et R. 424-20 du code de l'urbanisme et L. 214-3 du code de l'environnement que, s'agissant de travaux soumis aux prescriptions du code de l'environnement relatives à la protection des eaux et dont la réalisation est, à ce titre, subordonnée à une autorisation, le délai de péremption du permis de construire prévu par l'article R 424-20 du code de l'urbanisme court à compter de la date à laquelle les travaux peuvent commencer en application de cette autorisation environnementale.

Elle conclut : "(... ) qu'en jugeant " qu'il ne [ressortait] pas des pièces du dossier qu'(...) aucun des travaux autorisés par l'autorisation de lotir ne pouvait être débuté indépendamment de l'obtention de l'autorisation au titre de la loi sur l'eau ", que " le commencement des travaux autorisés par l'autorisation de lotir n'[étaient] pas subordonné à l'autorisation au titre de la loi sur l'eau " et que " la SARL Immoconseil ne [pouvait] utilement invoquer les dispositions de l'article R. 424-20 du code de l'urbanisme ", la cour a commis une erreur de droit. (...)"