RECAPITULATIF DES MESURES CONCERNANT LE NON-PAIEMENT DES LOYERS PROFESSIONNELS ET COMMERCIAUX DURANT LA PERIODE D’ETAT D’URGENCE SANITAIRE
I - Rappel de l’adoption des mesures juridiques
Face à l’épidémie du Coronavirus Covid-19, le Gouvernement a annoncé une première série de mesures destinées à venir en aide aux entreprises et aux salariés, et s’était empressé d’annoncer la possibilité de suspendre le paiement des loyers commerciaux durant l’état d’urgence sanitaire.
Suite à la promulgation de l’état d’urgence sanitaire le 14 mars dernier, aucune mesure concrète n’avait encore été prise jusqu’à l’adoption le 25 mars 2020 d’une trentaine d’ordonnances couvrant plusieurs aspects du droit (civil, pénal, administratif, fiscal…).
Les deux principales ordonnances publiées au Journal Officiel du 26 mars 2020 dans cet arsenal juridique sont :
- l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020, dite « relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de covid-19 ».
- l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, dite « relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période »
Si ces ordonnances tardives ont le mérite d’exister, elles sont loin de répondre à l’ensemble des attentes des bailleurs et locataires.
COMMENTAIRE SUR LES DEUX ORDONNANCES N°2020-316 ET N°2020-306 DU 25 MARS 2020
I - Ce que dit l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 (ordonnance relative au paiement des loyers)
L’article 4 de l’ordonnance dispose que :
« Les personnes mentionnées à l'article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce. Les dispositions ci-dessus s'appliquent aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée. »
Par renvoi à l’article 1er de cette même ordonnance, sont ainsi éligibles :
« les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 susvisée. Celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peuvent également bénéficier de ces dispositions au vu de la communication d'une attestation de l'un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure. Les critères d'éligibilité aux dispositions mentionnées ci-dessus sont précisés par décret, lequel détermine notamment les seuils d'effectifs et de chiffre d'affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d'affaires constatée du fait de la crise sanitaire.»
Il est précisé plus en détail dans une autre ordonnance et décret du 30 mars 2020, les modalités et conditions à retenir pour pouvoir prétendre à l’octroi du fonds de solidarité, les conditions suivantes étant cumulatives :
- qui ont moins de 10 salariés,
- qui réalisent un chiffre d’affaire inférieur à un million d’euros et présente un bénéfice imposable inférieur à 60.000 euros
- qui subissent une fermeture administrative ou qui auront connu une perte de chiffre d’affaires de plus de 70% (ramené à 50% par nouveau décret du 2 avril 2020) au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019.
Ces conditions servent de référentiel pour apprécier la légitimité d'une entreprise à solliciter une suspension de loyer, conditions précisées quelques jours plus tard par un décret n°2020-378 du 31 mars 2020 qui est venu ajouter les entreprises en procédure collectives.
II - Ce que ne dit pas l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020
Le texte s’il confirme le principe de suspension des loyers pendant une durée, ne précise en revanche rien quant à l’éventuelle date d’exigibilité desdits loyers qui seraient suspendus et non annulés.
Par conséquent, le texte :
- n’interdit pas au locataire ou bailleur de régler/percevoir des loyers ;
- en cas de refus de délais par les bailleurs, les locataires ne sont pas dispensés de régler les loyers, seules les sanctions sont provisoirement suspendues, ce qui autorise ainsi tout bailleur d’agir dès fin des suspensions de mesures imposées au bailleur ;
- il appartiendra au débiteur/locataire de supporter l’augmentation prévisible de ses loyers et le cas échéant d’entamer toute démarche (y compris judiciaire pour solliciter des délais devant le juge) ;
Par ailleurs le droit commun s’applique toujours notamment l’article 1104 du Code civil imposant la bonne foi des parties dans la conduite de leurs relations contractuelles Ainsi un locataire de mauvaise foi sera nécessairement moins bien accueilli qu’un locataire réputé de bonne foi.
En résumé
Si vous justifiez des critères vous pouvez/pourrez solliciter
- Une remise de pénalités pour défaut de paiement des loyers ;
- Solliciter légitimement des suspensions de loyers ainsi que l’inopposabilité des pénalités financières, les personnes physiques ou société elles-mêmes éligibles au fonds de solidarité mentionné dans une autre ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020 ;
- La résilience des entreprises et bailleurs est donc temporaire et optionnelle (même si elle peut être contrainte par la situation) ;
Vigilance à observer :
- Les loyers sont (et seront) dus après fin de période d'urgence au bailleur sous réserve d’éventuelles moratoires négociés ;
- Le bailleur pourra reprendre ses poursuites, à plus forte raison si la suspension qui lui a été imposé, l’a été de mauvaise foi ou si son locataire ne remplissait pas les conditions susvisées (il s'agirait ici d'un abus de droit) ;
nb : conditions également précisées par le récent décret du 31 mars 2020 (joint en annexes) qui suggère aux locataires de justifier leur demande en produisant leur récépissé d'élligibilité au fonds de solidarité. Ainsi le gouvernement renvoit les parties à se référer aux mêmes conditions que celles vérifiées par l'administration fiscale pour apprécier de la légitimité des demandes. Sont également concernées les entreprises déjà en procédure collective.
III - Ce que vient préciser l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 (ordonnance relative aux délais échus)
L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 vient confirmer l’article 4 de la précédente ordonnance relative aux loyers et dispose que :
« Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er. »
En résumé
- La suspension des mesures coercitives vaut pour la période d'état d'urgence sanitaire et encore pendant un délai d’un mois après fin de cette période ;
- Les entreprises sont donc protégées uniquement pendant la période la période d'état d'urgence sanitaire imposée par le gouvernement ;
- les entreprises déjà en procédure collectives (sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire) sont désormais aussi recevables à demander une suspension des loyers pendant la période d'état d'urgence sanitaire et jusqu'un mois après sa levée ;
LES AUTRES SOURCES DE DROIT QUI “POURRAIENT PERMETTRE“ DE DIFFERER LE PAIEMENT DES LOYERS
Il convient de bien faire attention aux idées reçues ainsi qu’à l’utilisation des notions juridiques à l’apparence exonératoire du fait de la vulgarisation de leur emploi à tort et à travers...
- Le recours à la force majeure :
La force majeure est défini par l’article 1218 du Code civil qui dispose que :
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.
Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »
Cette définition fait apparaitre plusieurs conditions :
- Imprévisibilité : il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un évènement échappe au contrôle du débiteur de l’obligation (ici le locataire), et ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat.
- Extériorité : il y a force majeure lorsque l’évènement empêchant le débiteur de l’obligation n’est pas du de son fait et est dû à une cause extérieure.
- Irrestibilité : il y a enfin force majeure lorsque l’évènement non prévisible et extérieur échappe totalement au contrôle du débiteur de l’obligation (ici le locataire). C’est à dire qu’aucunes mesures appropriées ne peuvent empêcher son apparition.
En résumé, le locataire qui souhaite invoquer la force majeure doit justifier de ces trois conditions cumulatives. Dans le cas du covid-19, il est aisé de justifier des deux premières conditions, en revanche la dernière peut poser difficulté.
A noter que certaines clauses contractuelles permettent de tempérer et modérer les effets de la force majeure (souvent retrouvées dans les contrats d’assurances).
La question qui se pose est donc celle de savoir s'il est possible d'invoquer le coronacirus covid-19 comme cas de force majeure afin de suspendre le paiement des loyers durant la période d'état d'urgence sanitaire ?
Etat du droit et précédents judiciaires : les précédents judiciaires sont anciens, et se rapportent à d’anciennes épidémies dont l’application de la théorie de la force majeure était alors soumise à l'entière appréciation souveraine des juridictions (c’est-à-dire jugée au cas par cas) ;
Obs 1 : l’article 1218 du Code civil, est une transposition très récente de jurisprudences plus anciennes. Sa codification dans notre droit interne date du 10 février 2016, date de l’entrée en vigueur de l’ordonnance réformant le droit des obligations. Ainsi nombre de baux existant sous l’empire de l’ancienne jurisprudence n’ont pas encore étééprouvés sous cette nouvelle rédaction.
Obs 2 : les dernières décisions retrouvées en jurisprudence sur la thématique force majeure traitaient d’épidémie de virus dont les mesures sanitaires n’avaient nullement imposées comme aujourd’hui un état d’urgence sanitaire et obligation de confinement de l’ensemble de la population française.
La situation actuelle est ainsi totalement inédite et sans précédent.
Références jurisprudentielles anciennes : la jurisprudence est d’relativement stricte dans l’appréciation de la force majeure :
- Cour d’Appel de Besançon 8 janvier 2014 n° 12/02291 relative à la grippe H1N1
- Cour d’Appel de Basse Terre, 17 décembre 2018 n° 17/00739 relative au chikungunya
- Cour d’appel de Toulouse, 3 octobre 2019, n°19/01579 relative aux mesures de confinement d’animaux atteint de grippe H1N1 (Jp retenant l’absence de caractère insurmontable et écartant la force majeure malgré la mesure de confinement d’animaux pourtant ordonnée)
- Cour de cassation Assemblée plénière 14 avril 2006, pourvoi n° 02-11168 (affaire ayant retenu le cas de force majeure d’un entrepreneur atteint d’un cancer à un stade très avancé qui l’avait empêché de remplir son obligation (ici une livraison n'avait pu être honoré, impossibilité confirmée par le décès du livreur intervenu quelques mois plus tard).
En résumé
- Vérifier les stipulations du bail ;
- Vérifier s’il existe des clauses élusives du cas de force majeure ;
- Appréciation in concreto du caractère insurmontable imposant au débiteur de ne pas remplir son obligation ;
- Si la force majeure est reconnue – ATTENTION - si le retard perdure dans le temps et s’aggrave le bailleur pourra se prévaloir de la résiliation du bail. Il sera rappelé qu’une absence de longue durée s’analyse en un empêchement définitif qui justifie la résiliation de plein droit du bail (article 1218 alinéa 2). Il s’agit donc d’un moyen à manier avec précaution.
- Le Covid-19 ne saurait suffire à lui seul à justifier l’inexécution d’un contrat. Il faut prouver que des mesures sanitaires ont empêché le débiteur de l’obligation de la réaliser, ce qui ne sera pas nécessairement le cas de celles qui peuvent être effectuées à distance, sans risque sanitaire ...
TRES IMPORTANT : la charge de la preuve repose sur le cocontractant défaillant qui devra démontré que sa défaillance présente toutes les caratéristiques de la force majeure (Cass. com. 17 mars 1998 n° 95-21.547). L'appréciation se fera ainsi au cas par cas par les tribunaux. Dès lors, il est possible qu’une société qui a poursuivi son activité en télétravail, ait plus de mal à justifier l’irrespect d’un délai conventionnel ou d’une obligation quelconque, dès qu'il lui était possible de maintenir une activité mêm minimale.
- L’obligation de délivrance conforme et l'exception d'inexécution
L’exception d’inexécution est définie par l’article 1219 du Code civil qui dispose que :
« Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.»
Appliquée au cas d’espèce, cette exception d’inexécution pourrait trouver à s’appliquer en invoquant l’absence de délivrance conforme du local commercial (ou professionnel) par le bailleur et par conséquent impossibilité pour le locataire d’en disposer.
Si l’ensemble des conditions caractérisant l'imposibilité et celle du caractère insurmontable ont déjà été définie est il possible pour autnat de considérer que le bailleur commet une faute ?
A notre sens, le bailleur (tout comme le locataire) n’est pas responsable des interdictions imposées par les mesures de confinement. Ce dernier est exactement dans la même situation que son locataire et pourrait opposer également un cas de force majeure afin de lui-même justifier de son impossibilité à remplir son obligation de délivrance conforme.
En résumé
- Il n'existe aucune solution certaine pouvant sécuriser totalement un bailleur ou un locataire (l'appréciation se fera au cas par cas) ;
- En cas de délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire, le locataire devra rester extrèmement vigilant et ne pas attendre l’expiration des délai pour opposer éventuellement une exception d’inexécution ;
- Les difficultés d'interprétation seront tranchées ultérieurement par les juridictions au cas par cas ;
Attention : les locataires qui auraient reçu un commandement visant la clause résolutoire verraient les effets prorogés un mois après lafin de l'état d'urgence sanitaire. Mais il conviendra de se protéger le plus tôt possible et surtout de répondre à son bailleur le plus rapidement possible.
Attention toute particulière aux entreprises ayant réussi à maintenir une activité même minime telle la vente en ligne, le télétravail, ou les livraisons. Le cas de force majeure serait apprécié bien plus sévèrement, de même que leur difficulté insurmontable, et ce même si les juridiction sont appelées à faire preuve de bienveillance. L'importance de la preuve de la bonne foi apparait ici toute particulière et importante.
- Le recours à la révision pour imprévision :
L’imprévision a été reconnue très récemment dans le Code civil et est ainsi issue de la réforme du droit des contrats (ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016), créant le nouvel article 1195 du Code civil.
L’imprévision est définie par l’article 1195 du Code civil qui dispose que :
« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe. »
Cette définition fait apparaitre également comme la force majeure plusieurs conditions :
- Le caractère temporel : ce dernier s’apprécie lors de la conclusion du contrat uniquement et renvoi indirectement à la nécessaire obligation de bonne foi qui doit régir les relations entre parties.
- Le caractère excessivement onéreux de l’obligation : il est ici fait références à une condition anormalement et excessivement onéreuse pour le débiteur de l’obligation (au cas d’espèce : l’obligation du bailleur (créancier de l’obligation) est de délivrer un local/logement conforme et assurer la jouissance paisible de son locataire, la contrepartie du locataire (débiteur de l’obligation) est de régler son loyer selon conditions convenues.
- Le caractère imprévisible : renvoi tout comme la force majeure à un évènement non prévisible et extérieur échappe totalement au contrôle du débiteur de l’obligation
Nb : le caractère irrésistible et insurmontable n’est pas nécessairement imposée, il est plus simplement fait références à une obligation excessivement onéreuse directement liée à l’événement imprévisible.
Il ne faut pas que l’exécution du contrat soit compromise mais qu’elle soit, du fait du cas d’imprévision, mais qu’elle soit rendue excessivement onéreuse.
Au cas d’espèce, il risque d’être compliqué de rapporter la preuve du caractère excessif d’un loyer résultant de la pandémie de covid-19. En effet, si les relations lors de la signature du bail n’étaient pas déséquilibrées et que le loyer reflète bien la juste contrepartie de la location, il ne semble pas possible de caractériser ce même loyer d’excessif… (et ce à plus forte raison sans procédure en demande révision du loyer…).
Il faudrait ainsi être capable de démontrer le caractère excessivement onéreux du maintien du paiement de ce loyer.(cf étude sur la force majeure qui ne rvêt pas un caractère automatique).
Cette notion de « révision pour imprévision » étant encore récente, il existe peu de jurisprudences sur ce sujet. Les décisions de principes faisant état de relations tripartites et conclusion de plusieurs contrats dans le cadre d’opérations complexes incluant des locations financières et concomitantes (ce qui ne s’applique pas en général au bail mais plus aux contrats dit LLD avec prestation d’entretien).
Un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 12 février 2015 (pourvoi n°12-29.550, n°13-18.956, n°13-20.230), a considéré qu’une société n’avait pas apporté la preuve d’une situation ayant altéré fondamentalement l’équilibre des prestations, et ce même si la société produisait des lettres de ses fournisseurs annonçant des hausses de prix importantes entraînant une diminution de plus de la moitié de sa marge brute.(également voir ; Rapp. Sén. n° 22 relatif à la loi n°2018-287 du 20 avril 2018).
En résumé
- L’imprévision ne permet pas de suspendre les loyers mais de forcer la renégociation du contrat qui sera en cas de difficulté tranché définitivement par le juge ;
- L'imprévision doit se justifier dans la caractérisation du déséquilibre des obligations entre parties qui rendent "exccessivement onéreux" et donc en pratique insurmontable son exécution ;
- L’imprévision permet également d’obtenir résolution du contrat ce qui a pour effet de mettre fin au contrat mais ne fait pas disparaitre les loyers qui resteraient dus au bailleur ;
- Vérifier s’il existe des clauses élusives de cette révision pour imprévision (de plus en plus souvent inclus dans les contrats, et cessions notamment rédigés par notaire) ;
- Surtout, l’imprévision nécessite la mise en œuvre d’une procédure de tentative de révision amiable préalablement ;
RESUME ET PREVENTIONS DES DIFFICULTES
Locataire ou bailleur, il ne faut pas attendre pour réagir et anticiper au plus tôt les éventuelles difficultés, qu'elle soient d'ordre personnel, relationnel, ou subies par effet ricochet d'un cocontractant...
Il faut donc favoriser le plus possible le dialogue et la négociation amiable dans cette situation tout à fait exceptionnelle. Et à défaut si les relations se détériorent conserver un maximum d'éléments qui seront utilisés ultérieurement devant les juridictions (échanges, mails, RAR pour conserver date certaine, bilans, justificatifs des difficultés financières de chaque partie...).
N'oubliez pas que des solutions judiciaires existent pour traiter les difficultés d'entreprise, et qu'une procédure se prépare le plus tôt possible. Le gouvernement s'attend à une vague très importante de demandes d'ouverture de procédures collectives puisqu'une ordonnnance spéciale n°2020-341 est venue adapter le 27 mars 2020 la procédure (audience sans parties, allongement de délais pour les procédures et les mandataires judiciaires, période d'observation et plan parfois exceptionnelle, intervention du ministère public dans l'appréciation des conditions de prolongations exceptionnelles....).
Il existe également d'autres procédures préventives qui peuvent être mises en place si les difficultés sont traitées suffisamment tôt (je vous invite à consulter mon autre fiche pratique sur le sujet), ainsi que les aides d'état (également résumées dans une fiche pratique ici).
Il ne faut donc jamais attendre et anticiper dans la mesure du possible. N'hésitez donc pas à consulter un avocat intervenant en procédure collective pour plus d'informations sur l'aspect juridique et votre expert-comptable pour l'audit financier.