C’est un sujet brûlant d’actualité… Avec la crise du coronavirus, certaines entreprises ont pris la décision de mettre fin de manière anticipée aux CDD, invoquant la force majeure comme motif de rupture. Mais ces ruptures sont-elles justifiées ?

 

Peut-on rompre un CDD avant son terme ? 

Le CDD est plus contraignant que le CDI, et ce pour plusieurs raisons…

D'abord, il faut pouvoir invoquer un des motifs prévus par la loi pour recourir au CDD (exemple : remplacement d’un salarié absent, accroissement temporaire d’activité…).

Ensuite, une fois conclu, il est plus difficile d’y mettre fin…

En effet, le CDD étant à durée déterminée, il est en principe exclu de rompre le contrat avant le terme convenu (article L.1243-1 du Code du travail).

Néanmoins, ce même article liste les cas de rupture anticipée, autorisés par la loi :

  • La rupture d’un commun accord des parties,
  • La faute grave de l’une ou l’autre des parties,
  • L’inaptitude du salarié,
  • Et la force majeure.

(A noter : l’article L. 1243-2 du Code du travail prévoit aussi la possibilité pour le salarié de rompre le CDD avant son terme s’il a trouvé un CDI).

 

La force majeure, qu’est-ce que c’est ?

Classiquement, la force majeure est définie comme l’évènement imprévisible et irrésistible qui empêche l’exécution du contrat (article 1218 code civil) : cela signifie qu’un évènement qu’on ne pouvait prévoir (imprévisible) et qui ne peut être évité, par la mise en place de mesures appropriées (irrésistible), permet de rompre le CDD.

En pratique, cela signifie que, pour que le caractère imprévisible soit caractérisé, le CDD ne doit pas avoir été signé après le début de l'épidémie.

Toutefois, la question de la date du début de l’épidémie reste posée : faut-il prendre en compte l’arrivée de l’épidémie en France ? Le début du confinement ? 

Quant au caractère irrésistible, il doit être discuté... 

 

Alors, le coronavirus est-il un cas de force majeure ?

Les tribunaux opèrent une appréciation extrêmement stricte de la notion de force majeure et ne la retiennent que rarement.

Ainsi, la force majeure n’a pas été retenue concernant l’épidémie de Dengue ; la Cour d’appel de Nancy a en effet considéré que cette maladie virale, décrite pour la première fois en 1779, était très répandue et qu’elle sévissait régulièrement depuis des années dans les zones intertropicales. La Cour a donc jugé que la survenance de la dengue en août 2007, bien qu’ayant abouti au dépassement du seuil épidémique, ne remplissait pas les critères de la force majeure (CA Nancy, 22 nov. 2010, nº 09/00003).

La même position a été adoptée par les juges concernant le chikungunya (CA Basse Terre, 17 déc. 2018, n°17/00739).

Autre exemple, dans les années 90, la crise du Golf a conduit à l’annulation de certains évènements festifs mais ces annulations n’ont pas été considérées comme constituant un cas de force majeure justifiant la rupture anticipée du CDD (Soc, 10 déc. 1996, n°93-44.847). Toutefois, dans cette affaire, la crise avait débuté avant la signature du contrat; cet élément a été déterminant, pour exclure la force majeure.

De ces arrêts, on pourrait déduire que le coronavirus ne constitue pas un cas de force majeure justifiant la rupture du CDD.

Cependant, l’annonce faite par Bruno Lemaire, Ministre de l'économie, le 28 mars 2020, pose question. Il a en effet affirmé que le coronavirus serait retenu comme cas de force majeure, dans les marchés publics passés avec l’Etat.

Si cette annonce ne semble viser que les cas de marchés publics avec l’Etat, elle pourrait constituer un argument pour les employeurs, ayant rompu des CDD pour cause de force majeure.

 

Quelles sont les conséquences d'une rupture anticipée du CDD pour force majeure?

Pour les employeurs qui pensaient "faire des économies", en procédant à des ruptures de CDD pour cause de force majeure... Ils font erreur !

En effet, lorsque le CDD est rompu pour cause de force majeure, l’employeur doit verser au salarié une indemnité correspondant aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat (article L. 1243-4 du Code du travail).

Par ailleurs, sous réserve de démontrer l'absence de force majeure, le salarié dont le CDD a été rompu de manière anticipée peut obtenir "des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat", auxquels s’ajoutent l’indemnité de fin de contrat de 10%.

Enfin, la possibilité de demander des dommages et intérêts pour compenser une éventuelle perte des droits à l'assurance chômage, par exemple, n'est pas exclue. 

 

Si votre CDD a fait l'objet d'une rupture anticipée, selon vous injustifiée, n'hésitez pas à contacter un avocat. Après analyse de la situation, il pourra vous aider à rédiger un courrier à destination de l'employeur, pour régulariser la situation, et/ou vous assistera dans la mise en oeuvre d'une action prud'homale. 

Vous pouvez prendre rendez-vous par la plateforme pour une analyse de votre situation.