Deux décisions rendues par la Cour de cassation au cours de l’année 2018 permettent de préciser les contours de la notion de préjudice d’agrément dans le domaine de la réparation du préjudice corporel de droit commun.
Selon une définition plutôt restrictive issue d’un arrêt de principe de la Cour de cassation du 28 mai 2009 (Cass. 2e civ., 28 mai 2009, n° 08-16.829) le préjudice d’agrément réparable est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir.
Qu’en est-il cependant lorsque la victime continue l’activité sportive ou de loisir après le fait dommageable mais sans s’y adonner avec la même intensité ? Peut-on d'autre part indemniser une victime jugée physiquement et physiologiquement apte à poursuivre la pratique antérieure, mais qui ne le fait pas en raison d’une résistance psychologique consécutive à l’événement traumatique ?
L’arrêt du 29 mars 2018 répond à la première question (Cass. 2e civ., 29 mars 2018, n° 17-14.499). La victime d’une agression avait saisi la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions et obtenu auprès de cette juridiction une indemnisation au titre de son préjudice d’agrément.
Le Fonds de garantie contestait cette décision en observant que dans le cas présent, la victime, qui pratiquait des compétitions nautiques avant l’agression avait pu poursuivre cette pratique après l’agression.
Toutefois, en examinant les conditions de poursuite de cette activité, les juges du fond avaient considéré que la pratique sportive continuait de manière plus restrictives qu’avant l’événement traumatique : l'intensité n’était plus la même, la progression en compétition avait été stoppée, l’état physique de la victime ne lui permettait plus de viser les podiums comme auparavant.
La Cour de cassation valide ce raisonnement par un attendu sans ambiguïté : « attendu que ce poste de préjudice [le préjudice d’agrément] inclut la limitation de la pratique antérieure ».
Ce n’est donc pas seulement l’impossibilité stricte mais également la limitation en comparaison de la pratique antérieure qui doit ouvrir droit à indemnisation.
Dans un arrêt ultérieur rendu le 5 juillet 2018, la Cour de cassation devait se prononcer en faveur de l’indemnisation du préjudice d’agrément d’une jeune femme, pilote de moto victime d’un accident lors d’un entrainement sur circuit, qui n’avait pas repris cette activité uniquement en raison d’une incapacité psychologique.
La cour retient que : « ayant souverainement constaté que même si l’expert judiciaire avait relevé qu’il n’existait pas d’inaptitude fonctionnelle à la pratique des activités de loisirs auxquelles Mme Y… se livrait avant l’accident, cette dernière n’avait cependant pas repris celle de la moto compte tenu de son état psychologique à la suite de l’accident, la cour d’appel, qui a ainsi caractérisé l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement cette activité sportive ou de loisirs, a décidé à bon droit de l’indemniser de ce préjudice » (Cass. 2e civ., 5 juillet 2018, n° 16-21.776).
Ces deux décisions contribuent à desserrer un peu l’étau étroit dans lequel la définition du préjudice d’agrément se trouve enfermée depuis 2009.
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