Institution spécifique au monde agricole, le salaire différé correspond à la rémunération à postériori de la participation gratuite d’un descendant à la mise en valeur d’une exploitation familiale.

Le cas le plus fréquent est celui d’un enfant ayant travaillé sur l’exploitation agricole de ses parents pendant sa jeunesse. De cette collaboration, il n’a retiré que de modestes avantages en nature (nourriture, logement) ou quelque argent de poche.

Le parent exploitant aura pu, de son vivant, remplir le bénéficiaire de sa créance au moyen d’une donation-partage. A défaut, l’intéressé pourra faire une demande de salaire différé à l’ouverture de la succession de l’exploitant.

CONDITIONS

L'article L 321-13 du Code rural pose trois conditions cumulatives :

  • Avoir eu plus de dix-huit ans au moment de sa participation.
  • Avoir participé de manière directe et effective à l'exploitation. La Cour de cassation considère que la créance de salaire différé ne peut être retenue dans le cadre d'une activité réduite et saisonnière (Civ 1re ; 20 juin 2012, n° 11-20217).
  • Ne pas avoir été associé aux bénéfices ni aux pertes de l'exploitation. Ne pas non plus avoir reçu de salaire en argent en contrepartie de sa collaboration. Le bénéfice d'avantages en nature assimilables à une rémunération constituera un obstacle à la demande.

Ces conditions satisfaites, l’intéressé sera réputé bénéficiaire d’un contrat de travail à salaire différé.

CALCUL ET RECUPERATION

L’article L321-13 deuxième alinéa du Code rural dispose que le taux annuel du salaire sera égal, pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2080 fois le taux du SMIC.

La limitation à deux tiers correspond au fait que le créancier a pu être logé et nourri. Il a pu bénéficié aussi d’un peu d’argent de poche. Le montant horaire du SMIC à retenir est celui en vigueur au jour du partage successoral.

Quelle que soit la durée de la collaboration, le salaire différé ne peut excéder la rémunération due pour une période de dix années.

D’autre part, le salaire différé est plafonné au montant de l’actif successoral. Ainsi, si la créance dépasse les forces de la succession, les cohéritiers n’auront pas à régler le reliquat.

PREUVE DE LA CREANCE

Il appartient à celui qui revendique un salaire différé de rapporter la preuve que les conditions légales sont réunies. Cela vise notamment la démonstration d’une activité directe et effective (Civ 1er; 6 mai 2009, n° 08-13462). Il faut aussi administrer la preuve d’une absence de rémunération.

Cette preuve pourra être apportée par tous moyens.

D'un point de vue pratique, la preuve pourra résulter par exemple de la production d’attestations de tiers. Il peut s’agir aussi des relevés de comptes bancaires, de déclarations administratives, sociales, fiscales ou comptables.

Un faisceau d'indices peut suffire pour emporter la conviction du juge. Ce dernier dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation en la matière.

La démonstration pourra être facilitée grâce aux dispositions de l'article L 321-19 du Code rural. En effet, ce texte prévoit que les parties peuvent remplir chaque année une déclaration à la mairie. Celle-ci devra être visée par le maire qui en donnera récépissé.

PRESCRIPTION DE LA CREANCE

Le délai de prescription pour l'action en paiement du salaire différé est de cinq ans.

Le point de départ du délai se situe au jour de l’ouverture de la succession de l’exploitant débiteur du salaire. Il faut donc agir sans attendre le décès du conjoint survivant.

Il arrive toutefois que ce dernier reprenne l’exploitation. Dans ce cas, le point de départ de la prescription n’interviendra au décès du conjoint survivant qu’à la condition que la prestation de travail ait été effectuée au cours des deux périodes successives d’exploitation (Civ. 1re , 17 oct. 2018, n° 17-26725).

 

A noter : La possibilité de faire valoir une créance de salaire différé existe aussi au profit du conjoint survivant. Les conditions et le mode de calcul ne sont pas les mêmes.