Un arrêt de la Cour de cassation du 20 mars 2019 (Civ. 1re, 20 mars 2019, n° 18-13.663) permet de revenir sur les modalités de conversion en capital d'une prestation compensatoire initialement versée sous forme de rente.
La prestation compensatoire est une allocation destinée à compenser la disparité que le divorce crée dans les conditions de vie respectives des époux. La loi privilégie son règlement sous la forme d’un capital. L’objectif est de faciliter le règlement des relations pécuniaires entre époux divorcés.
Toutefois, le juge peut, sous certaines conditions, accorder à l’un des époux une rente viagère (Article 276 du Code civil).
D’autre part, en cas de divorce par consentement mutuel, les époux sont libres de convenir des modalités de la prestation compensatoire. Ils peuvent donc prévoir le versement d’une rente dont le terme est déterminé (date précise) ou indéterminé (décès du débiteur, remariage du créancier…).
Or le Code civil offre la possibilité après le divorce de convertir cette rente en capital (Article 276-4 du Code civil).
A – LE DROIT DE DEMANDER LA SUBSTITUTION
Ce droit de substitution appartient à la fois au créancier et au débiteur. Pour le débiteur, ce droit est inconditionnel. Toutefois, le juge peut refuser la substitution en raison de l’âge ou de l’état de santé du créancier (Civ. 1re. 10 juill. 2013, n° 12-13.239). Le juge doit en outre spécialement motiver sa décision.
Pour le créancier, cette demande ne peut aboutir que s’il établit qu’une modification de la situation du débiteur permet la substitution.
B – LES MODALITES DE LA SUBSTITUTION
Le calcul du montant du capital qui sera versé en lieu et place de la rente est encadré par le décret n°2004-1157 du 29 octobre 2004. Le capital se détermine en multipliant le montant de la rente annuelle indexée par un coefficient lié à l’espérance de vie du créancier. Ce coefficient se trouve en consultant les tables de conversion années au décret. Ces tables sont classées en deux catégories de rente : viagères et temporaires.
Dans un litige soumis au Tribunal de Grande Instance de PRIVAS, deux époux avaient convenu lors de leur divorce par consentement mutuel que la rente servie à l’ex-épouse prendrait fin au décès de l’ex-mari, c’est-à-dire du débiteur.
Le Tribunal accueille la demande conversion en s’appuyant sur l’espérance de vie du débirentier.
En appel, la Cour réforme le jugement et rejette la demande de conversion.
Selon elle, la rente prévue n’est pas viagère sur la tête du créancier. Elle n’est pas non plus temporaire en raison du terme incertain (décès du débiteur). Or aucune dérogation au mode de calcul fixé par le décret du 29 octobre 2004 ne serait possible.
La Cour fait donc de la nature de la rente une condition de l’action en substitution.
Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation dans un arrêt du 20 mars 2019 (Civ. 1re, 20 mars 2019, n° 18-13.663). Celle-ci rappelle avec autorité le principe posé par la loi.
Le Code civil institue le principe d’une substitution d’un capital à toutes rentes, quelles qu’en soient la forme.
En présence d’une rente d’une nature différente de celles envisagées par le décret, le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond retrouve son empire.
Il n’est d’ailleurs pas exclu que l’on puisse en l’espèce considérer la rente litigieuse comme une rente viagère. Peu importe qu’elle soit constituée sur la tête du débiteur et non du créancier. Dès lors, l’utilisation de la table viagère du décret, comme l’avait fait le juge de PRIVAS, semblait judicieuse.
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