Un arrêt rendu le 14 octobre 2020 par la chambre criminelle de la Cour de cassation est l’occasion de revenir sur les éléments constitutifs du viol, et sur la distinction entre agression sexuelle et viol.

 

Que dit la loi ?

L’article 222-23 du Code pénal dispose que « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ».

Ainsi, pour qu’un acte de nature sexuelle soit qualifié de viol, il faut un acte de pénétration sexuelle.

Quant au délit d’agression sexuelle, il se caractérise par « toute autre atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ».

Ainsi, l’élément qui distingue le viol de l’agression sexuelle est l’existence ou non d’un acte de pénétration, et tout acte sexuel imposé qui n’est pas un viol est une agression sexuelle (ou une atteinte sexuelle dans certaines hypothèses).

Dans l’affaire en question, la victime, âgée de dix-neuf ans, a dénoncé des faits d'agressions sexuelles, commis par l'ex compagnon de sa mère, depuis ses treize ans, ce dernier ayant pris l'habitude de lui imposer de se déshabiller, de lui caresser le vagin et les fesses, de se frotter contre elle et de lui lécher le sexe.

A l’issue de l’information judiciaire ouverte des chefs de viol commis par une personne ayant autorité sur la victime, le Juge d’instruction a requalifié les faits en simples agressions sexuelles par une personne ayant autorité, renvoyant ainsi le mis en examen devant le Tribunal correctionnel et non la Cour d’assises.

 

Quels sont les éléments qui ont amenés le Juge d’instruction, puis la Chambre de l'instruction intervenue en appel, à requalifier le crime de viol en délit d’agression sexuelle ?

Alors que la victime avait indiqué que son beau-père l’avait « pénétrée avec sa langue à force d'insister », le Juge d’instruction a considéré qu’il n’était pas établi que cette pénétration alléguée était « suffisamment profonde pour caractériser un acte de pénétration ».

Par ailleurs, la victime ne donnait « aucune précision en termes d’intensité, de profondeur, de durée ou de mouvement » de sorte que rien ne prouverait une « introduction volontaire [de la langue] au-delà de l’orée du vagin ».

Les juges ont également considéré que l’intention du prévenu était de se limiter à une agression sexuelle en l’absence de preuve d’une introduction volontaire de la langue du prévenu dans le sexe de la victime.

Rappelons que pour que le crime de viol soit caractérisé, il faut en effet que coexistent l’élément matériel, à savoir l’acte de pénétration sexuelle non consenti, mais également l’élément moral, c’est-à-dire l’intention de l’auteur de l’infraction de commettre un acte de pénétration sexuelle.

A défaut de l’un de ces deux éléments, l’infraction n’est pas caractérisée.

La victime a contesté l’interprétation des juridictions d’instruction devant la Cour de cassation.

Elle soutenait que la profondeur de la pénétration sexuelle ne constituait pas une condition de qualification du viol, et que « le caractère volontaire de l’agression sexuelle qui dégénère en pénétration sexuelle infligée à la victime suffit à caractériser l’élément moral du viol ».

 

Qu’a répondu la chambre criminelle de la Cour de cassation ?

La Cour de cassation a approuvé la Chambre de l’instruction d’avoir retenu la qualification d’agression sexuelle, considérant que les éléments constitutifs du viol ne sont pas réunis.

Ainsi, à défaut de preuve de l'intention de l'auteur d'imposer à la victime un acte de pénétration sexuelle suffisamment caractérisé, le comportement de l'auteur doit s'analyser comme une agression sexuelle, et non comme un viol.

 

[Cour de cassation, chambre criminelle, 14 octobre 2020, n° 20-83273]

 

Noémie ROZANE

Avocat au Barreau de Tarbes

www.rozane-avocat.com