Au vu de la complexité croissante de la règlementation encadrant la passation de marchés publics, il n’est pas rare que la procédure d’attribution d’un marché public soit entachée d’irrégularités, et qu’un des candidats s’en soit vu irrégulièrement évincé.

Plusieurs options s’offrent alors au candidat évincé désireux de faire respecter ses droits.

 

1/ Soit tenter, par la voie du référé précontractuel (articles L.551-1 et suivants du Code de justice administrative), d’obtenir l’annulation de la procédure, et sa relance ab initio par le pouvoir adjudicateur. Le facteur temps est alors primordial, cette possibilité n’étant ouverte que tant que le marché n’est pas signé avec l’attributaire ;

 

2/ Soit, si la signature est d’ores et déjà intervenue, tenter d’obtenir l’annulation du marché (et non plus seulement de la procédure de passation), sur la base du recours en contestation de validité du contrat conceptualisé par la Jurisprudence Tarn et Garonne (CE 4 avril 2014, n° 358994).

Le facteur temps est là encore essentiel, quoi qu’à un niveau tout à fait différent. S’agissant d’une procédure au fond, la décision de justice peut en effet intervenir au bout de plusieurs mois, voire années de procédure. Si le marché a eu le temps d’être exécuté dans son intégralité, le recours en annulation dudit marché sera déclaré sans objet, et donc rejeté ;

 

3/ Soit enfin exiger d’être indemnisé du préjudice subi du fait de l’éviction irrégulière de l’attribution du marché en cause.

Cette fois ci le temps n’influe plus sur la procédure ni sur son issue, puisque la demande est indépendante de l’exécution du marché. Même si celui-ci est totalement exécuté au moment où le juge statue, la demande indemnitaire conserve son objet.

La jurisprudence, désormais constante sur cette question, a eu l’occasion de préciser les conditions d’indemnisation du candidat malheureux. Celles-ci ont encore récemment été rappelées par un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Nantes en date du 6 octobre 2017.

En substance, le juge se réfère à la notion de perte de chance d’obtenir le marché, du fait de l’irrégularité commise (qui doit bien évidemment être établie), et procède à l’analyse graduée suivante :

  • Soit le candidat était dépourvu de toute chance d’obtenir le marché, même si la procédure avait été parfaitement régulière. Dans ce cas il ne pourra prétendre à aucune indemnisation, même si l’irrégularité est avérée. Tel est par exemple le cas si sa candidature était quoi qu’il en soit irrégulière. Dans cette hypothèse, sa candidature n’aurait pu qu’être rejetée, même si la procédure avait été parfaitement régulière ;
  • Soit il n’était « pas dépourvu de toute chance d’obtenir le marché ». Sa candidature est régulière, et l’irrégularité soulevée a directement influé sur le classement des offres. Pour autant, rien ne permet d’affirmer qu’il aurait effectivement été classé en première position. Son droit à indemnisation se limite alors aux frais engagés pour préparer son dossier de candidature et son offre.
  • Soit enfin, il disposait de « chances sérieuses d’emporter le marché ». Dans ce troisième cas, il a droit à être indemnisé, à condition qu’il soit correctement justifié, de l’intégralité de son manque à gagner, c’est-à-dire, pour faire simple, de la marge qu’il aurait réalisée s’il avait effectivement obtenu et exécuté le marché. Tel est le cas par exemple si le pouvoir adjudicateur a commis une erreur dans la computation des notes obtenues par les candidats sur chaque critère, ou s’il a fait usage d’un critère irrégulier sans lequel le candidat évincé aurait été classé en première position.

La justification de ce manque à gagner peut s’avérer difficile puisqu’il appartiendra au candidat évincé de démontrer la marge qu’il pouvait effectivement envisager réaliser. Il faudra dans la plupart des cas se référer aux documents comptables des exercices précédents, voire initier une expertise spécifique sur ce point.

Les frais engagés pour préparer sa candidature et son offre sont également indemnisés.

Les candidats évincés irrégulièrement de l’attribution d’un marché public ne sont donc pas sans armes. Il leur faut toutefois bien intégrer le facteur temps, fondamental en la matière, et qui déterminera les actions qui leur sont ouvertes. L’idéal étant bien sûr d’agir le plus rapidement possible.