QUEL(S) RECOURS POUR L’ACQUEREUR D’UN BIEN IMMOBILIER LORSQUE LES DIAGNOSTICS TRANSMIS LORS DE LA VENTE S’AVERENT ERRONES ?

 

  • ETAT DU DROIT EN MATIERE DE DIAGNOSTICS

 

Depuis plusieurs années désormais, le législateur est venu augmenter la liste des documents obligatoires à fournir lors de la vente d’un bien immobilier.

Parmi ces documents, figure un dossier de diagnostic technique censé informer l’acquéreur de l’état de l’immeuble.

La liste de ces diagnostics est fixée par l’article L271-4 du Code de la construction et de l’Habitation :

  • Constat de risque d’exposition au plomb
  • La présence ou l’absence de matériaux ou produits contenant de l’amiante
  • L’état relatif à la présence de termites
  • L’état de l’installation intérieure de gaz
  • L’état des risques naturels et technologiques
  • L’état d’installation de l’installation intérieure d’électricité
  • Le Diagnostic de Performance Energétique (DPE)
  • Le document établi à l’issue du contrôle des installations d’assainissement non collectif (fosse septique)

 

La nécessité, pour le vendeur, de fournir ces documents a permis le développement d'une profession : le diagnostiqueur immobilier dont l’intervention est désormais systématique lors d’une vente immobilière et régulière puisque les différents diagnostics ont des durées de validité différentes les uns des autres.

La question se pose de savoir de quels recours dispose l’acquéreur d’un bien immobilier en l’absence d’un diagnostic pourtant obligatoire ? Ou si un des diagnostics s’avère erroné et qu'il découvre ultérieurement la présence d'amiante non décelée, la présence de termites, la présence de plomb... etc ?

 

  • L’ABSENCE DE DIAGNOSTIC : RESPONSABILITE DU VENDEUR ET DU REDACTEUR DE L’ACTE

Pour s’assurer du respect de cette obligation par le vendeur, le législateur a prévu une sanction non négligeable : à défaut de communiquer certains de ces diagnostics, le vendeur ne pourra pas se prévaloir de la clause d’exonération de la garantie des vices cachés correspondante.

 

Cette clause permet au vendeur d’échapper à la garantie inhérente à toute vente à savoir la garantie des vices cachés prévue à l’article 1641 du Code civil. C’est la clause de style désormais présente dans la majorité des actes de vente entre particuliers qui précise que l’acquéreur prend le bien en l’état.

En l’absence d’un des diagnostics immobiliers obligatoires, le vendeur sera tenu des vices cachés que découvrirait l’acquéreur en lien avec l’objet de ce diagnostic. La sanction est donc sévère.

 

Théoriquement, cette sanction est un bon moyen de protection de l’acquéreur immobilier. Elle trouve toutefois ses limites dans la solvabilité du vendeur qui pourrait s’avérer limitée alors que les coûts des travaux de reprise pourraient s’avérer au contraire très importants.


C’est la raison pour laquelle l’acquéreur, en l’absence d’un diagnostic obligatoire, pourra également rechercher la responsabilité du notaire qui doit assurer la validité et l’efficacité des actes.

 

La Cour de cassation juge en effet que la faute du notaire est en lien avec le préjudice causé à l’acquéreur qui réside dans la perte de la possibilité d’avoir pu négocier le prix en fonction du coût des travaux de reprise ou de la non-conformité décelée après la vente. Cass. Civ 3ème, 15 septembre 2016, 15-18.156.

 

Il est également jugé que l’agent immobilier qui intervient comme rédacteur d'un compromis de vente est soumis aux mêmes obligations que le notaire. Il doit également veiller à l’efficacité de l’acte et au respect des dispositions légales et règlementaires. CA RENNES, 31 MAI 2012, 09/06057. CA COLMAR, 30 JUIN 2014, 14/0531 / Cass Civ 1ère, 16 décembre 1992, 90-18.151

 

L’intérêt de se retourner contre ces professionnels de l’immobilier réside dans la possibilité de pouvoir bénéficier d’un garant solvable puisqu’ils sont censés être assurés au titre de leur responsabilité civile professionnelle.

 

  • DIAGNOSTIC ERRONÉ : LA RESPONSABILITE POUR FAUTE SANS CESSE RENFORCEE DU DIAGNOSTIQUEUR IMMOBILIER

 

L’importance de la communication des diagnostics obligatoires est telle pour l’acquéreur comme pour le vendeur que la jurisprudence a, depuis plusieurs années, tiré les conséquences du renforcement des obligations professionnelles des diagnostiqueurs.

 

Ces obligations n’auraient aucun sens si elles ne s’accompagnaient pas d’une responsabilité renforcée.

 

Il est ainsi constamment jugé que le diagnostiqueur doit procéder à une recherche systématique de l’ensemble des matériaux susceptibles de contenir le produit incriminé (plomb, amiante, termites…) La jurisprudence considère que le contrôle auquel procède le diagnostiqueur n’est pas purement visuel. Cass. Civ. 3ème, 21 mai 2014 – D. 2014. 1201.

 

La Cour de cassation juge également que le diagnostiqueur est également tenu d’une obligation de conseil et qu’il doit s’enquérir lui-même des caractéristiques complètes de l’immeuble à diagnostiquer. Il ne peut pas se reposer sur les affirmations du vendeur.

 

C’est ainsi qu’en matière de recherches d’amiante par exemple, manque à son obligation de conseil, le diagnostiqueur qui n’élargit pas sa mission de diagnostic par un sondage sonore lui permettant de suspecter la présence d’amiante alors que l’année de la construction du bien aurait dû l’inciter à être prudent et à procéder à un tel sondage des parois. Cass. Civ 3ème, 3 janvier 2006, 05-14.380 / Cass. Civ 2ème 17 septembre 2009, 08-17.130.

 

La responsabilité du diagnostiqueur est donc renforcée et une analyse au cas par cas sera nécessaire.

 

Sa responsabilité ne sera écartée qu’en présence d’un cas de force majeure. Les seuls obstacles permettant de limiter l’étendue de la mission du diagnostiqueur doivent avoir été insurmontables ou inhabituels. Cass. Civ 3ème, 15 décembre 2009, 07-13.469.

 

  • QUELS PREJUDICES REPARABLES ?

 

Dès lors qu’une action en responsabilité est envisageable, la question des préjudices réparables doit se poser. L’acquéreur doit rapporter la preuve de l’existence d’un préjudice qui soit certain et en lien avec la faute du diagnostiqueur.

 

La jurisprudence se montre particulièrement sévère envers le diagnostiqueur immobilier. Il est ainsi systématiquement jugé par la Cour de cassation que la sanction des manquements du diagnostiquer à ses obligations réside dans l’obligation de régler le coût intégral de la suppression de l’élément omis.

Il s’agit de rendre conforme l’état avec le diagnostic erroné.

Ainsi, si le diagnostic déclare un bien sans amiante, sans termites, sans plomb, alors qu’il s’avère que ces éléments sont présents et que le diagnostiqueur avait les moyens de les constater, il devra régler le coût intégral nécessaire pour l’enlever. Cass. Ch. Mixte 8 juillet 2015, 13-26.686 / Cass. Civ 3ème, 21 novembre 2014, 13-14.891

 

La Cour de cassation refuse que les juges n’indemnisent qu’une perte de chance. Cass. Civ 3ème, 15 octobre 2015, 14-18.077 / Cass. Civ 3ème, 19 mai 2016, 15-12.408 / Cass. Civ 3ème, 30 juin 2016, 14-28.839 / Cass. Civ 3ème, 7 avril 2016, 15-14996 / Cass. Civ 3ème, 12 novembre 2015, 14-12125 14-12693.

 

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation est même allée plus loin en retenant qu’un diagnostiqueur devait prendre en charge, en sus du coût intégral des travaux de suppression de l’élément non détectés, les préjudices de jouissance liés à la présence de cet élément litigieux non détecté initialement. Cass. Civ 3ème, 8 décembre 2016, 15-20.497

 

La Cour de cassation maintient donc son cap tendant à renforcer la responsabilité des diagnostiqueurs immobiliers.

 

Elle l’a encore rappelé dans un arrêt récent rendu le 7 mars 2019 :

 

  • Mais attendu qu'ayant relevé, sans dénaturation, par motifs propres et adoptés, que le diagnostic de l'état parasitaire de l'immeuble avait été établi moins de six mois avant l'acte sous seing privé et l'acte authentique auquel il était annexé, que les constatations du diagnostiqueur selon lesquelles il n'avait repéré aucun indice d'infestation de termites ni d'autres agents de dégradations biologiques du bois étaient erronées puisque l'expert judiciaire avait conclu à des attaques anciennes et récentes de capricorne et vrillette de la structure de la maison ayant causé des dégâts irréparables mettant en péril la solidité du bâtiment et que le diagnostiqueur n'avait pas visité les combles qui étaient accessibles ni mentionné que les planchers et le parquet du séjour et de la chambre étaient attaqués par les vrillettes alors qu'ils n'étaient pas cachés par des revêtements et retenu que le diagnostiqueur avait ainsi commis une faute engageant sa responsabilité et que la preuve n'était pas rapportée que M. X, non-professionnel de la construction immobilière, avait connaissance de l'infestation avant la vente, qu'il avait été conforté dans sa croyance de l'absence d'infestation de son bien par le diagnostic négatif et qu'il devait donc bénéficier de la clause de non-garantie prévue à l'acte, la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs que la société ESI devait être condamnée au paiement du coût des travaux nécessaires et à l'indemnisation du préjudice de jouissance qui constituaient des préjudices certains et que les demandes dirigées contre le vendeur de l'immeuble devaient être rejetées ;
  • Cass. Civ 3ème, 7 mars 2019, 17-31.080

 

Cette jurisprudence n’apparaît que la stricte application du principe de la réparation intégrale du préjudice qui doit bénéficier à toute victime d’un dommage.

 

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