Kafala et visa long séjour – Comment apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant ?

Actualité mars 2020


                                                              

Où se situe l’intérêt supérieur de l’enfant qui a été confié par acte de kafala? Ou plus précisément son intérêt est-il toujours de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale ?

Une décision récente de la Cour administrative d’appel de Nantes nous apporte des précisions sur l’intérêt supérieur de l’enfant et son contenu.

L’article 3 1° de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant prévoit que toute décision concernant un enfant doit tenir pleinement compte de l’intérêt supérieur de celui-ci.

Il en découle, selon une jurisprudence constante, que l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale.

Une présomption est ainsi posée. L’intérêt de l’enfant est en principe de vivre aux côtés de la personne à qui l’enfant a été confié par acte de kafala rendu exécutoire et un visa long séjour lui sera délivré pour qu’il puisse venir vivre en France aux côtés de cette personne.

C’est ce qui a été récemment rappelé par la Cour administrative d’appel de Nantes.

Toutefois, la Cour précise que cette présomption peut être renversée en cas d’atteinte à l’ordre public ou lorsque les conditions d’accueil de l’enfant, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, sont contraires à son intérêt.

Les autorités consulaires devront aussi vérifier que cette décision de refus de délivrance de visa ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale.

En l’occurrence, il s’agissait d’apprécier l’intérêt d’un enfant, de nationalité algérienne, né en 2002, confié à sa tante, elle-même de nationalité algérienne, par acte de kafala rendu exécutoire en France.

La Cour prend ici en compte des éléments très factuels : (i) la personne titulaire de l’autorité parentale exerce la profession d'agent d'hygiène, (ii) elle a à sa charge trois enfants et sa mère qui perçoit une allocation de solidarité aux personnes âgées, (iii) elle ne justifie pas à la date de la décision attaquée de ressources suffisantes, composées pour l’essentiel de prestations sociales et (iv) elle ne justifie pas que ses enfants participent aux charges communes.

La Cour en déduit que le titulaire de l’autorité parentale ne dispose pas de ressources et de conditions de logement suffisantes pour lui permettre de prendre en charge une personne supplémentaire.

La Cour prend aussi en compte la vie familiale de cet enfant et sa scolarité en Algérie.

La Cour considère ainsi que c'est sans erreur d'appréciation que, dans les circonstances de l'espèce, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu refuser de délivrer le visa sollicité en prenant en compte l'intérêt supérieur de l'enfant.

 

Notre conseil : Au moment du dépôt d’un dossier de demande de visa long séjour, même en cas de kafala judiciaire rendu exécutoire en France, il est recommandé de produire l’ensemble des justificatifs relatifs à ses ressources et son logement en France. Vous produirez également tout document permettant d’établir l’absence d’attache familiale ou les difficultés liées à la scolarisation de l’enfant dans son pays d’origine.  

 

Référence :

CAA Nantes, 6 mars 2020, n° 19NT03570  

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Allison BISHOP, Avocate au barreau de Paris

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