De l’importance de déclarer tout changement de situation en cours de naturalisation – Conseil d’état, 13 mars 2020, n° 429022

Actualité 2020


Un mariage coutumier doit-il être déclaré à l’Administration française dans le cadre d’une demande de naturalisation ?

Une ressortissante libanaise a été mariée à un ressortissant libanais qui vit à l’étranger. Elle divorce en septembre 2010, dépose sa demande de naturalisation en novembre 2010 en indiquant être divorcée, puis se marie de nouveau selon le droit coutumier libanais avec cette même personne en juin 2011 et est naturalisée par décret en août 2011 sans avoir porté à la connaissance de l’Administration cette union.

Par décret du 16 janvier 2019, le Premier ministre a rapporté le décret de naturalisation au motif qu’il a été pris au vu d’informations mensongères délivrées par l’intéressée quant à sa situation personnelle et familiale.

La requérante demande l’annulation pour excès de pouvoir de ce décret.

Dans le cadre de son recours, la requérante fait notamment valoir que son union en juin 2011 relève du droit coutumier libanais qui ne considère cette union comme un mariage qu’à compter de son enregistrement par l’état civil libanais. Cet enregistrement n’étant intervenu que le 5 février 2012, soit postérieurement au décret de naturalisation, elle n’avait pas à déclarer à l’Administration française ce changement de situation personnelle et familiale.

Ce raisonnement n’est pas celui suivi par le Conseil d’état.

Dans sa décision du 13 mars 2020, le Conseil d’état a eu à répondre à deux questions :

  • Un mariage coutumier est-il un élément de la situation personnelle et familiale ?
  • Doit-il être porté à la connaissance des services en charge des demandes de naturalisations ?

Le Conseil d’état considère qu’un mariage coutumier, même s’il ne peut être qualifié de mariage en vertu de la loi libanaise applicable, n’interdit pas à l’Administration française de prendre en compte son existence pour apprécier la situation de l’intéressé.

Autrement dit, un mariage même célébré selon le droit coutumier est un élément de la situation personnelle et familiale du postulant et sera pris en compte pour apprécier si la condition de résidence est remplie.

Ici, alors même que l’intéressée remplissait les conditions pour obtenir la nationalité française, son mariage coutumier célébré au Liban avec un ressortissant libanais qui vit au Liban a pu être pris en considération par l’Administration pour considérer que sa résidence n’était pas en France.

Cet élément aurait donc dû être déclaré à l’Administration française dans le cadre d’une demande de naturalisation, même en cours d’instruction.

A défaut, l’intéressée doit être regardée comme ayant volontairement dissimulé un changement de sa situation et la décision a été obtenue par mensonge ou fraude.

Sa requête est donc rejetée.

 

Référence :

CE, 13 mars 2020, n°429022

 

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Allison BISHOP, Avocate au barreau de Paris

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