Les voyettes, voies typiques du Nord de la France, semblent trouver une certaine équivalence avec les traboules du Vieux Lyon.  

De manière générale, il s’agirait de définir les voyettes comme des chemins étroits permettant le passage entre deux points séparés d’une commune sans avoir à faire de détours.  

Si l’intérêt pratique et le charme des voyettes est indiscutable, leur situation ainsi que leur accessibilité ne sont pas toujours garanties dès lors que certains propriétaires riverains décident d’en obérer l’accès.   

Il sera ici question de s’intéresser à la qualification juridique des voyettes (I) et d’envisager les solutions permettant de les réaffecter à leur usage initial en mettant fin aux empiètements et accaparements des propriétaires riverains (II).  

 

I / Sur la qualification juridique des voyettes 

Les voyettes, prenant la configuration d’un chemin, peuvent parfaitement être situées en plein cœur d’une zone urbanisée. 

Il est ainsi envisageable que les voyettes aient fait l’objet d’une décision de classement au sein du domaine public communal (A), à défaut elles trouvent à être qualifiées de chemins ruraux (B).  

 

A / En fonction d’une décision de classement : les voyettes relèvent du domaine public 

Une décision de classement peut avoir été prise par la commune afin de déterminer la nature juridique des voyettes. Il faut toutefois garder à l’esprit que les décisions de classement n’ont qu’un effet déclaratif, elles ne font que constater l’appartenance du bien considéré au domaine public en application de l’article L2111-3 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P).  

Ainsi, les voyettes peuvent avoir été classées au sein du domaine public de la commune ou au sein de son domaine privé.  

Il semble sérieux de considérer que les voyettes puissent être classées au sein du domaine public de la commune dès lors qu’elles sont affectées à l’usage direct du public en application de l’article L2111-1 du CG3P.  

A noter que cette solution demeure applicable avant l’entrée en vigueur de la disposition précitée au 1er juillet 2006 dès lors que la jurisprudence administrative appliquait le même critère d’affectation à l’usage direct du public.  

Si une voyette n’a pas été classée au sein du domaine public de la commune alors elle devra être regardée comme faisant partie de son domaine privé eu égard aux dispositions de l’article L2211-1 du CG3P. 

 

B / Par défaut, les voyettes sont des chemins ruraux  

En l’absence de décision de classement une voyette doit être regardée comme faisant partie du domaine privé de la commune et constituent des chemins ruraux (art. L2212-1 du code général de la propriété des personnes publiques - CGCT).  

En vertu de l’article L161-1 du code rural, les chemins ruraux sont des chemins qui appartiennent aux communes et qui sont affectés à l’usage du public à condition qu’ils n’aient pas été classés comme voies communales.  

Dès lors que le chemin rural constitue une voie de passage, il est présumé être affecté à l’usage du public en application de l’article L161-2 du code rural. 

Or, les voyettes qui n’ont pas été classées en voies communales sont bien des voies de passages et doivent en ce sens être présumées affectées à l’usage du public, les qualifiant ainsi de chemins ruraux. 

Enfin, pèse sur la commune une présomption de propriété dès lors que le chemin est affecté à l’usage du public au regard de l’article L161-3 du code rural. 

Dans ces conditions, dès lors que les voyettes n’ont pas été classées en voies communales et qu’elles sont affectées à l’usage du public, elles constituent des chemins ruraux dont la commune est présumée être propriétaire.  

 

II / Sur la protection et le respect de l’affectation des voyettes 

Si les voyettes ont fait l’objet d’une décision de classement au sein du domaine public communal, le maire pourra user de ses pouvoirs de police sans qu’aucune prescription acquisitive ne puisse lui être opposée (A). Dans l’hypothèse où les voyettes constitueraient des chemins ruraux, plusieurs solutions juridiques s’offrent à la commune qui en présumée être la propriétaire (B)

 

A / La protection des voyettes du domaine public par les contraventions de voirie routière 

En application de l’article L2121-1 du CG3P, les biens du domaine public doivent être utilisés conformément à leur affectation à l’utilité publique. 

Dans ces conditions, les propriétaires riverains ne sauraient condamner l’accès aux voyettes de leur propre chef ni même s’en accaparer l’utilisation sans titre les y habilitant au regard des dispositions de l’article L2122-1 du CG3P.  

Le fait d’obstruer sciemment le passage d’une voyette, même pendant plus de 30 ans, ne rend pas le riverain propriétaire de la voie rendue impraticable. Aucune prescription acquisitive, même de bonne foi, n’est possible, en raison de l’imprescriptibilité du domaine public communal (art. L3111-1 du CGCT).  

Pour mettre fin aux agissements des propriétaires riverains, le maire de la commune peut dans un premier temps mettre en demeure le propriétaire de rétablir l’accès conformément à l’usage du public. 

A défaut d’exécution volontaire, le maire pourra constater l’occupation de la voyette et établir à cet effet un procès-verbal d’infraction qu’il transmettra au procureur de la République en application des articles L116-2 et L116-3 du code de la voirie routière. 

La réparation de l’atteinte pourra consister à faire enlever les ouvrages qui empêchent d’utiliser les voyettes conformément à leur affectation à l’usage du public eu regard des dispositions de l’article L116-6 du code de la voirie routière. 

Dans ces conditions, les riverains ainsi poursuivis s’exposent à une peine d’amende prévue pour les contraventions de 5ème classe (1.500€) s’il est constaté qu’ils ont : 

- Empiété sur le domaine public routier ou accompli des actes portant atteinte à son intégrité, sans autorisation ; 

- Occupé tout ou partie du domaine public routier de façon non conforme à sa destination, sans autorisation ; 

- Laissé croître les arbres ou haies à moins de 2 mètres de la limite du domaine public routier. 

 

B / Une protection efficace des chemins ruraux : pouvoirs de police du maire et empiètement 

En vertu de l’article L161-5 du code rural, il revient à l’autorité de police municipale de conserver les chemins ruraux et au titre de l’article D161-14 du code rural, il est expressément fait défense de nuire à la commodité de la circulation sur les chemins ruraux. 

A cet effet, le maire peut remédier d’urgence aux obstacles qui s’opposeraient à la circulation sur les chemins ruraux. Le maire pourra alors, sur simple sommation administrative, exiger toute mesure provisoire de conservation du chemin, aux frais et risques de l’auteur de l’infraction en application de l’article D161-11 du code rural. 

Le maire peut aussi se comporter comme un simple propriétaire en assignant le propriétaire riverain qui s’est accaparé l’accès et l’usage de la voyette sur le fondement de l’empiètement au titre de l’article 545 du code civil.  

Il reviendra alors au juge judiciaire de faire cesse l’empiètement ainsi constaté.  

Il a été dit supra que les voyettes appartenant au domaine public communal étaient imprescriptibles, ce n’est toutefois pas le cas des chemins ruraux. 

Dans cette logique, il pourrait être question pour les propriétaires riverains de se prévaloir de la prescription acquisitive afin de se voir reconnaître la propriété de la voyette. 

Cette hypothèse semble pouvoir être écartée dès lors qu’une présomption de propriété pèse sur la commune jusqu’à preuve du contraire tant que le chemin est affecté à l’usage du public en application de l’article L161-3 du code rural.  

Dans de rares cas, la prescription trentenaire a pu être retenue par le juge, rendant donc un riverain propriétaire d’un chemin rural (« la commune […] s'est désintéressée du sort du chemin en litige sur lequel elle ne réalise plus aucun acte de surveillance ou de voirie depuis l'ouverture de la route communale qui existait déjà en 1937 et que pendant plus de trente ans avant l'année 2007 […], la famille D...-Y...a exercé sur l'assiette de l'ancien chemin rural des Bouscailloux qui traverse ou borde sa propriété, située au lieu-dit du même nom, une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. » (CA Limoges, 21 mai 2015, N° 14/00088) 

 

En conclusion, il est donc important que les autorités municipales veillent à ce que les voyettes soient effectivement affectées à l’usage du public afin de ne pas risquer de se voir opposer une prescription acquisitive trentenaire au titre des articles 2258 et suivants du code civil.