Le changement de destination désigne l’opération par laquelle un bâtiment passe d’une catégorie de destination à une autre, catégories listées à l’article R151-27 du code de l’urbanisme : exploitation agricole et forestière, habitation, commerce et activité de service, équipements d’intérêt collectif et services publics, autres activités des secteurs secondaires ou tertiaires.

Le changement de destination relève du droit de l’urbanisme et correspond à la raison d’être officielle d’un bâtiment qui figure sur l’autorisation d’urbanisme ayant validé sa construction ou sur toute autre autorisation postérieure. Il ne doit pas être confondu avec le changement d’usage qui relève du Code de la construction et de l’habitat. L’usage d’un bâtiment désigne son utilisation factuelle et est attachée à la personne qui l’occupe. Le changement de destination est attaché au local et non à l’utilisation qu’en fait l’occupant.

Le changement de destination représente un certain enjeu à la fois pour les pétitionnaires et les autorités compétentes en matière d’urbanisme. 

Pour les pétitionnaires, le changement de destination et a fortiori son autorisation conditionnent la faisabilité de certaines opérations immobilières : travaux, vente, location…

Pour les autorités compétentes en matière d’urbanisme, auteures des PLU, la procédure permettant de porter le changement de destination à la connaissance de ces dernières donne la possibilité à l’administration de s’assurer que les opérations immobilières sont conformes au parti d’aménagement retenu par la collectivité compétente (art. R. 151-30 du code de l’urbanisme).

Les changements de destinations sont aujourd’hui soumis à autorisation : par principe à déclaration préalable, et par exception à permis de construire.

Le contentieux du changement de destination intervient notamment à la suite du refus par la mairie de délivrer de telles autorisations. L’incompatibilité du changement de destination avec les règles d’urbanisme fonde régulièrement ces refus.

Comment le changement de destination est-il restreint par les règles d’urbanisme ?

Le code de l’urbanisme impose certaines restrictions au changement de destination (I). Cependant, la législation urbanistique fait bénéficier les communes et intercommunalités d’une grande liberté pour définir les restrictions en termes d’occupation des sols, dont le changement de destination (II).

 

I/ La restriction du changement de destination par le code de l’urbanisme

 

Le code de l’urbanisme opère certaines restrictions a minima.

Ainsi, la loi ELAN réaffirme le principe d’une constructibilité limitée en zones agricoles, naturelles et forestières.

Dans ces zones, est interdit tout changement de destination à l’exception de ceux qui seraient compatibles avec l’activité agricole ou la qualité paysagère du site. Dans ce cas, le bâtiment pouvant faire l’objet d’un changement de destination devra être désigné par le règlement du PLU et sera soumis à l’avis conforme d’une commission départementale (art. L151-11, I du code de l’urbanisme).

Les changements de destination des constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines sont interdits par principe (art. L121-10 du code de l’urbanisme).

Ainsi et dans le cadre des zones agricoles, naturelles et forestières, les communes se trouvent liées au regard du changement de destination.

Dans le cadre du droit de la construction, les autorités compétentes en matière d’autorisation d’urbanisme sont également liées par certaines prescriptions. Par exemple, une mairie ne pourra autoriser le changement de destination d’un immeuble de moyenne ou grande hauteur si les travaux y afférent ne sont pas conformes « aux règles de sécurité fixées, pour chacun de ces types d’immeubles, par décret en Conseil d’Etat » (art. L122-1 du code de la construction et de l’habitation).

Les communes et intercommunalités ont la possibilité de restreindre d’avantage les règles en matière de changement de destination :

 

II/ La restriction des changements de destination par le PLU

A l’occasion de la rédaction du PLU, les autorités compétentes peuvent :

  • Réglementer le changement de destination, c’est-à-dire « définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées » (art. L151-9)
  • Ou interdire (art. R151-30) les changements de destination en fonction du zonage du PLU. Ainsi, « pour des raisons de sécurité ou de salubrité ou en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durable, le règlement peut, dans le respect de la vocation générale des zones, interdire : […] 2° les constructions ayant certaines destinations ou sous-destinations » (art. R151-30).

Concrètement, les communes ou intercommunalités peuvent décider que certaines destinations ou sous-destinations sont autorisées ou interdites, en fonction des zones déterminées par le plan de zonage sur lesquelles sont implantés les bâtiments.

Par exemple, le PLU du Grand Lyon admet limitativement et sous conditions en zone naturelle « les travaux d’aménagement dans le volume des constructions existantes […] dès lors qu’ils n’ont pas pour effet d’engendrer un changement de destination à l’exception de ceux qui ont pour objet d’affecter la construction à un usage éco-pédagogique (maison de la nature, fermes pédagogiques…), touristique (ferme-auberge, restaurant…) ou à l’habitation. ».

Les communes ou intercommunalités peuvent donc décider de l’interdiction des changements de destinations dans certaines zones. En pratique, elles recourent régulièrement à l’interdiction totale du changement de destination ou l’interdiction de changements vers certaines destinations[1].

Cette possibilité est largement offerte aux rédacteurs du PLU au regard d’enjeux de qualité du cadre de vie ou de protection du commerce et de l’artisanat :

 

  • Préservation du cadre de vie :

Le règlement des PLU peut définir des prescriptions, dont la limitation du changement de destination pour :

- Assurer la préservation de parties ou éléments du territoire définis par le PLU en raison de leur valeur culturelle, historique ou architecturale (art. L151-19)

- Assurer la préservation de secteurs protégés en raison d’enjeux écologiques (art. L151-23)

 

  • Protection du commerce et de l’artisanat :

Ainsi et « afin d’assurer la mise en œuvre des objectifs de mixité […] fonctionnelle », le règlement du PLU peut encadrer le changement de destination pour notamment :

- Assurer la mixité des destinations ou sous-destinations au sein d’une construction ou d’une unité foncière, ce qui impliquera l’interdiction d’un changement de destination d’une partie du bâtiment ou de l’unité si cela aboutit à une fonctionnalité homogène

- Identifier et délimiter, dans le ou les documents graphiques, les quartiers, îlots et voies dans lesquels doit être préservée ou développée la diversité commerciale, notamment à travers les commerces de détail et de proximité, et définir, le cas échéant, les règles spécifiques permettant d'atteindre cet objectif (art. R151-37 et L151-16). Cela impliquera également l’interdiction de certains changements de destination.

Par exemple, le PLU de Saint-Etienne a instauré une servitude d’alignement commercial dont le but est de conserver les rez-de-chaussée à vocation de commerce dans certains espaces du centre-ville. Cette servitude implique l’impossibilité de sortir le local de sa destination de commerce/artisanat[2].

A cet égard, a été validée par le juge administratif une disposition du règlement d’un PLU interdisant dans une zone du centre-ville, toute nouvelle implantation de bureaux ou de services en rez-de-chaussée. Selon le juge, cette disposition impliquait également l’interdiction de tout changement de destination conduisant à la création de bureaux ou de services[3].

A l’issue de l’instruction de la déclaration préalable ou de la demande de permis de construire, l’administration peut se fonder sur l’incompatibilité du changement de destination avec le PLU afin d’opposer un refus au pétitionnaire.

Ainsi, le contentieux des changements de destination est particulièrement complexe.En effet, les marges de manœuvres offertes aux communes et intercommunalités pour définir les règles d’occupation des sols sur leur territoire font qu’il n’est pas aisé de contester le choix urbanistique opéré par la commune, exprimé dans son PLU. L’intérêt pour le pétitionnaire sera donc de connaitre les modalités de contestation de telles restrictions.


[1] Pour exemple, voir l’article A1, 1.1.7 du règlement du PLU de Saint-Etienne

[2] Article DG3 du règlement du PLU de Saint-Etienne

[3] CE, 9e SSJS, 8 juin 2010, n°317469, inédit au recueil Lebon