Evénement exceptionnel, mesures exceptionnelles. L’attribution des jeux Olympiques 2024 à Paris rend nécessaire la réalisation dans les temps des infrastructures permettant l’accueil de cet événement. Le Conseil d’Etat a été saisi pour avis le 20 octobre 2017 du projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024. Ce projet de loi contient un titre intitulé « Dispositions relatives à l’aménagement, à l’urbanisme, à l’environnement et au logement ». Comme l’a souligné le Conseil d’Etat dans son avis rendu le 9 novembre 2017 (CE, Ass., avis, 9 novembre 2017, n°393671), les dispositions de ce titre « consistent pour l’essentiel à prévoir des adaptations et dérogations au droit commun destinées à sécuriser et accélérer la réalisation des sites d’entraînement, de compétition et d’accueil des jeux Olympiques, ainsi que l’aménagement et l’utilisation des sites existants. » A cet égard, le projet de loi prévoit la possibilité de recourir à la procédure d’expropriation dite « d’extrême urgence » pour les opérations de construction du village olympique et du village des médias. La procédure d’extrême urgence est une procédure dérogatoire d’expropriation prévue par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Elle permet une accélération de la prise de possession des biens expropriés. En principe, elle n'est susceptible de concerner que certaines opérations limitativement énumérées, telles les opérations intéressant la défense nationale ou les travaux de construction de routes nationales, d'oléoducs, d'autoroutes, de routes express, de voie de chemin de fer, de voies de tramways ou de transport en commun en site propre. Le recours à cette procédure d’urgence est également prévue par des textes spécifiques pour certaines opérations (ex : loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 pour les opérations de construction ou d'extension d'établissements pénitentiaires, loi n°2010-597 du 3 juin 2010 pour le réseau de transport public du Grand Paris). Hors les cas où elle porte sur des opérations de construction intéressant la défense nationale, cette procédure permet de prendre possession des biens dès que la déclaration d'utilité publique a été prise en échange du paiement d'une indemnité provisionnelle. Cette indemnité provisionnelle doit obligatoirement être payée avant la prise de possession. Elle n'a pas nécessairement à être égale à l’évaluation du directeur des finances publiques et peut même lui être supérieure dans le cas où l'expropriant offrirait plus. En cas d'obstacle au paiement, la provision doit être consignée (L. 522-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique). La prise de possession des terrains doit avoir été autorisée par un décret pris sur avis conforme du Conseil d’Etat (L. 521-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique). Dans le mois qui suit la prise de possession, l'autorité expropriante doit poursuivre la procédure "normale" d'expropriation, en proposant une offre amiable à l’exproprié et, à défaut d’acceptation d’une telle offre, en sollicitant le prononcé d'une ordonnance d'expropriation et d'un jugement fixant les indemnités définitives. Sur le plan indemnitaire, il importe de souligner que les indemnités peuvent comprendre une indemnité spéciale en réparation du préjudice causé par l’urgence de la procédure. Dans son avis du 9 novembre 2017, le Conseil d’Etat souligne qu’une disposition législative expresse est nécessaire pour recourir à cette procédure pour les travaux des JO de 2024 dans la mesure où leur objet n’est pas au nombre de ceux énumérés par l'article L. 522-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et que cet article exclut la prise de possession de terrains bâtis. Il relève dans cet avis que les emprises qui seront nécessaires pour les opérations de construction du village olympique et du village des médias supportent actuellement des constructions. Pourtant, il considère incohérente « l’exclusion de tels locaux du champ d’application de la procédure d’extrême urgence, les propriétaires et occupants de ces locaux n’étant pas, au regard de l’atteinte au droit de propriété ainsi portée, dans une situation différente des propriétaires et occupants de locaux professionnels, commerciaux, artisanaux ou industriels. » Il sous entend que la garantie des droits des propriétaires de locaux d’habitation situés sur les emprises à exproprier serait assurée dans le cadre « du bilan de l’utilité publique d’un projet qui sera pris en compte à l’occasion de la déclaration d’utilité publique ». Il relève à ce titre qu’une telle limitation n’a pas été prévue pour des opérations de réalisation d’infrastructures en zone urbaine dense auxquelles le législateur a ouvert cette faculté ces dernières années, à savoir les infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris (article 5 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010) et le prolongement de la ligne de tramway T4 (article 53 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010). C’est pourtant la multiplication des cas spécifiques de recours à cette procédure d’extrême urgence et la suppression de cette distinction qui pourraient poser des problèmes de constitutionnalité. Il est en effet acquis qu’une telle procédure qui, rappelons-le, permet de déroger au principe constitutionnel de versement de l’indemnité préalablement à la dépossession, n’a été déclarée constitutionnelle que sous la réserve posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juillet 1989. A cette occasion, le Conseil constitutionnel avait en effet confirmé la constitutionnalité de ce dispositif  sous la triple réserve que la mesure soit justifiée par un motif impérieux d'intérêt général (i), que les droits des propriétaires expropriés soient garantis (ii) et que le champ d'application de la dérogation au principe du caractère préalable du paiement de l’indemnité soit limité à certaines difficultés localisées tenant à l’expropriation d'un ou de plusieurs terrains non bâtis situés dans l’emprise (iii) (CC, 25 juillet 1989, n°89-256 DC).