CE, 15 avril 2016, Commune de Longueville, req. n°371274 :

Par un arrêt du 15 avril 2016, le Conseil d'Etat précise les conditions dans lesquelles un refus de permis de construire peut ouvrir droit à indemnisation.

Dans les faits, une société a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune de Longueville à lui verser la somme de 213 600 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 18 décembre 2007 par laquelle le maire de Longueville a refusé de lui délivrer le permis de construire qu'elle sollicitait en vue de l'édification de trois bâtiments à usage d'habitation.

Après avoir vu sa demande rejetée en première instance, la société a saisi la cour administrative d'appel de Nantes laquelle a annulé le jugement et condamné la commune à verser à la requérante la somme de 209 900 euros.

Pour évaluer le préjudice à allouer à la société requérante au titre du manque à gagner, la Cour s'est notamment fondée sur un rapport d'expert évaluant à 180 000 euros le préjudice subi par comparaison avec une opération présentant des caractéristiques similaires et réalisée, à la même époque, dans une commune voisine.

Saisi par la commune, le Conseil d'Etat a censuré cette analyse en considérant que la Cour aurait dû rechercher si dans les circonstances particulières de l'espèce le préjudice de la société requérante au titre de son manque à gagner présentait un caractère direct et certain.

La haute juridiction a en effet rappelé le principe selon lequel l'ouverture du droit à indemnisation de la personne qui s'est vu opposer un refus de permis de construire déclaré illégal est subordonnée au caractère direct et certain des préjudices invoqués.

Or, la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'un refus de permis revêt un caractère éventuel et ne peut en principe ouvrir droit à réparation.

Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers.

Ce n'est qu'en présence de tels éléments de preuve que le préjudice du requérant peut être regardé comme présentant un caractère direct et certain et ouvrir droit, le cas échéant, à une réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de l'opération refusée.