CE, 9 mars 2016, commune de Beaulieu, req. n°383060

Par un arrêt du 9 mars dernier, le Conseil d'Etat est venu préciser dans quelles conditions l'administration pouvait opposer un nouveau sursis à statuer sur une demande de permis de construire à la suite de l'annulation par le juge d'un premier sursis à statuer opposé sur la même demande.

Aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme :

« A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. »

En l'espèce, M. A a effectué une demande de permis de construire un bâtiment destiné au stockage du fourrage sur un terrain lui appartenant.

Le Maire de la commune lui a opposé un sursis à statuer sur le fondement des dispositions précitées dont M. A a demandé l'annulation au tribunal administratif de Montpellier.

Par une décision devenue définitive, le Tribunal a annulé cette décision au motif que la commune de Beaulieu n'établissait pas qu'à la date de l'édiction du sursis litigieux, la révision du plan d'occupation des sols était suffisamment avancée pour lui permettre d'opposer à M. A un sursis à statuer.

Tenue de réexaminer la demande du pétitionnaire, la commune va lui opposer un nouveau sursis à statuer.

Entre l'introduction du recours contentieux contre la première décision de sursis à statuer et le réexamen de la demande de permis de construire découlant de l'annulation, le conseil municipal de la commune avait arrêté un projet de plan local d'urbanisme.

C'est sur le fondement de ce projet de PLU arrêté que la commune va cette fois-ci opposer au pétitionnaire le nouveau sursis à statuer.

Ce dernier va de nouveau saisir le Tribunal administratif de Montpellier pour demander l'annulation de cette décision.

Cette demande va être rejetée.

Saisie en appel, la cour administrative d'appel de Marseille va annuler ce jugement et le second sursis à statuer, au motif que la durée totale des sursis successivement opposés au demandeur avait excédé trois ans, en méconnaissance des dispositions combinées du dernier alinéa de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme et de l'article L. 111-8 du même code.

C'est cette analyse qui va être censurée par le Conseil d'Etat saisi d'un pourvoi formé par la commune.

Les juges du Palais royal vont en effet considérer que : « (…) la durée maximale pendant laquelle il peut être sursis à statuer, par plusieurs décisions successives, sur une demande de permis de construire doit être appréciée en tenant compte de la période pendant laquelle l'une de ces décisions a produit ses effets à l'égard du pétitionnaire avant de faire l'objet d'une annulation contentieuse. (...) »

En l'espèce, il était reproché à la Cour d'avoir déduit des articles L. 111-8 et L. 123-6 du code de l'urbanisme, que le législateur avait entendu limiter à trois ans, de manière générale, la durée maximale des sursis à statuer que l'administration peut opposer à une demande d'utilisation des sols.

Pour le rapporteur public : « Cette durée totale maximale de trois ans ne revêt aucun caractère général, contrairement à ce qu'a jugé la cour, et elle ne trouvait certainement pas à s'appliquer au litige car les deux sursis, fondés sur le même motif portant sur la remise en cause du futur plan, se rattachaient aux mêmes dispositions de l'article L. 123-6 » (R. Decout-Paolini, concl. sur CE, 9 mars 2016, Commune de Beaulieu, req. N°383060).

Procédant par substitution de motifs, le Conseil d'Etat va toutefois annuler la décision contestée en se fondant sur l'article L. 600-2 du code d'urbanisme en considérant que devait être regardée comme un refus, au sens de ces dernières dispositions, une décision de sursis à statuer prise sur le fondement de l'article L. 123-6 du même code.

Aux termes de cet article :

«  Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire ; »

Ainsi, au cas présent, le Conseil d'Etat a considéré :

« (…) que ces dispositions faisaient obstacle à ce que la demande de permis de construire de M. A...fasse, à l'issue de son réexamen ordonné par le jugement du 16 décembre 2010 et intervenu postérieurement à la confirmation par M. A...de sa demande, l'objet d'une nouvelle décision de sursis à statuer sur le fondement de la délibération du conseil municipal du 12 janvier 2011 arrêtant le projet de plan local d'urbanisme de la commune, qui n'est intervenue que postérieurement à la décision de sursis annulée ; (...) ».