CE, 27 juillet 2016, M et Mme K et autres, n°396840 :

On sait que le contentieux de l'urbanisme est actuellement marqué par une tendance à restreindre l'intérêt à agir des tiers contre les autorisations d'urbanisme.

Ainsi, alors que pendant de nombreuses années le voisin proche d'un projet de construction était présumé avoir un intérêt à agir (CE, 25 novembre 1998, Mme Z, n°1629226), le Conseil d'Etat était venu réduire à peau de chagrin cette présomption par deux décisions du 10 juin 2015 (n°386121) et du 10 février 2016 (n°387507).

Dans ces deux décisions, le haute juridiction avait considèré que tout requérant, y compris le voisin immédiat du projet se devait de : "préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ;" (CE, 10 juin 2015, M. D et Mme A, n°386121).

De plus, sur le terrain de la preuve, il lui appartenait de faire apparaître :"clairement en quoi les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien sont susceptibles d'être directement affectées par le projet litigieux ; " (CE, 10 février 2016, M et Mme C, n°387507).

En pratique, ces décisions imposaient au voisin immédiat d'un projet de construction de s'inscrire dans un régime de preuve complexe l'obligeant à démontrer clairement par le biais de prises de vues, de plans ou de vidéos, l'existence d'une atteinte du projet sur son cadre de vie.

Par quatre décisions du 13 avril 2016, le Conseil d'Etat est toutefois venu assouplir la rigueur de ces principes pour le voisin immédiat en rappelant que ce dernier bénéficiait en principe d’un intérêt à agir dès lors qu'il faisait état devant le juge d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction. 

L'assouplissement du principe réside dans le passage d'une "démonstration claire" à la simple nécessité de "faire état d'éléments", ce qui annonçait un retour au système de présomption antérieur.

La décision du 27 juillet dernier vient confirmer cette dynamique de retour à la normale pour le voisin immédiat d'un projet de construction.

Dans cette affaire, les requérants, voisins immédiats, avaient justifié de leur intérêt à agir en première instance en invoquant la qualité de propriétaires et pour la plupart d'occupants d'immeubles situés à proximité immédiate de la parcelle et en faisant valoir qu'ils subiraient nécessairement les conséquences de ce projet, implanté en limite de propriété, s'agissant de leur vue et des conditions de jouissance.

Ils avaient joint à leur requête certains des documents graphiques du dossier du permis de construire et une vue aérienne permettant d'apprécier l'importance de la construction projetée et sa proximité immédiate avec leurs biens.

Le juge de première instance avait rejeté la requête en considérant qu'en l'espèce, l'intérêt à agir des requérants n'était pas caractérisé.

Le Conseil d'Etat censure cette analyse en considérant qu'en statuant ainsi, le tribunal administratif de Versailles a inexactement qualifié les faits de l'espèce.