CAA Lyon, 2 août 2016, M. D, n°15LY01533

C'est saisie d'un appel d'une ordonnance prise sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative que la Cour administrative d'appel de Lyon a rappelé les principes relatifs à la garantie de l'impartialité objective d'un magistrat statuant à la fois sur une demande de référé suspension et sur la demande d'annulation au fond.

Les faits sont les suivants.

M. D a introduit un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de quatre permis de construire délivrés sur une même opération (un initial et trois modificatifs).

Quelques mois plus tard, il saisi la juridiction d'une demande tendant à la suspension de l'exécution de ces décisions sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

Le Président d'une des chambres de la juridiction, statuant en qualité de juge des référés, va rejeter cette demande de suspension aux motifs que les conclusions tendant à l'annulation du permis initial et des deux premiers permis modificatifs étaient irrecevables compte-tenu de leur tardiveté et du fait que le requérant, qui n'avait acquis un logement à proximité du projet qu'après l'affichage de la demande du dernier permis modificatif, était dépourvu d'intérêt pour demander la suspension de la quatrième décision.

Statuant ensuite sur la requête déposée au fond, ce même Président va rejeter la demande d'annulation par ordonnance en application du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative lequel dispose :

"Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance :

(...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ;"

Le requérant a contesté cette ordonnance en invoquant une violation de l'article 6 § 1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales qui réconnait le droit à être jugé équitablement par un tribunal impartial.

M. D se plaignait d'avoir été jugé par le même magistrat et que sa demande avait été rejetée sur les mêmes fondements que sa demande de suspension.

La Cour administrative de Lyon fait droit à cette demande et annule l'ordonnance R. 222-1 en rappelant le principe selon lequel :

" eu égard à la nature de l'office attribué au juge des référés par les articles L. 521-1 et suivants du code de justice administrative, sous réserve du cas où il apparaît, compte tenu notamment des termes de l'ordonnance, qu'il a préjugé l'issue du litige, la seule circonstance qu'un magistrat a statué sur une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce qu'il se prononce sur la requête en qualité de juge du principal ; "  

Au cas d'espèce, la Cour a en effet considéré que :

" en affirmant, par des motifs détaillés, que l'ensemble des conclusions de la demande au fond de M. D... était irrecevable il a, en l'espèce, dans son office de juge des référés, pris position sur l'issue définitive du litige ; que, dans ces conditions, en rejetant ultérieurement, par l'ordonnance attaquée, la demande d'excès de pouvoir dirigée contre ces mêmes décisions, par un motif tiré d'irrecevabilités manifestes, d'ailleurs formulé en des termes identiques à son ordonnance de référé, il a méconnu le principe d'impartialité rappelé notamment par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; "