Cass. crim. 31 janvier 2017, n°16-82945

M. X édifie une maison de 40 m² sans autorisation dans un secteur identifié au PLU de la commune comme inconstructible. Il réside dans cette construction avec sa femme et ses deux enfants.

Le prévenu est déclaré coupable des délits de construction en violation des dispositions du PLU  et d'édification d'une construction nouvelle sans autorisation, faits réprimés par les dispositions de l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme.

Sur l'action publique, il est condamné au paiement de 1 200 euros d'amende (dont 600 euros avec sursis) ainsi qu'à la remise en état des lieux par la démolition de la construction dans un délai d'un an sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Devant la Cour d'appel, l'intéressé fait valoir que l'obligation qui lui est faite de démolir le domicile familial dans lequel il réside avec sa famille porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Les juges d'appel n'ayant pas répondu à l'argument soulevé par M. X, la Cour de cassation casse et annule l'arrêt à la demande de ce dernier au visa de l'article 8 précité et de l'article 593 du code de procédure pénale :

"Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; qu'il doit, en matière d'urbanisme, répondre, en fonction des impératifs d'intérêt général poursuivis par cette législation, aux chefs péremptoires des conclusions des parties, selon lesquels une mesure de remise en état porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie familiale ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour ordonner la remise en état des lieux consistant dans la démolition de la maison d'habitation du prévenu, l'arrêt attaqué énonce que M. Stéphane X... reconnaît qu'il a édifié cette construction sans avoir sollicité de permis de construire ; qu'au regard du plan local d'urbanisme sont interdites les constructions et installations nouvelles ; que les délits de construction en violation des dispositions du PLU de la commune de Lunel par l'implantation d'une construction d'habitations en zone non constructible et d'édification d'une construction nouvelle sans avoir obtenu au préalable un permis de construire, sont donc constitués en tous leurs éléments ; que M. X... sera déclaré coupable de ces deux chefs et sera condamné à remettre les lieux en l'état par la démolition, dans le délai d'un an, de la construction édifiée irrégulièrement ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du prévenu selon lesquelles une démolition porterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et à son domicile, en ce qu'elle viserait la maison d'habitation dans laquelle il vivait avec sa femme et ses deux enfants, et que la famille ne disposait pas d'un autre lieu de résidence malgré une demande de relogement, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;"

La cassation résulte avant tout à l'évidence de l'absence de réponse aux conclusions du prévenu relatives à l'atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à son domicile.

Cependant, en laissant croire que l'atteinte invoquée serait opérante, la Haute juridiction rompt sensiblement avec l'approche qui est traditionnellement la sienne en matière d'infractions aux règles de l'urbanisme (voir s'agissant de l'inopérance de l'atteinte au droit de propriété la décision Cass. crim. 18 février 1998, n°96-86191).

S'il est vrai que l'admission de tels moyens, même guidés par des considérations évidentes de dignité, serait de nature à placer les juridictions devant le fait accompli, il faut admettre qu'il existe aujourd'hui une tendance à faire du recours à l'obligation de démolition une exception (article L. 480-13 du code de l'urbanisme).

Encore faut-il rappeler que les dispositions de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, si elles permettent de faire échec à la démolition des constructions irrégulières en dehors de certains secteurs particulièrement protégés, imposent au contrevenant d'avoir préalablement obtenu un permis de construire annulé pour excès de pouvoir.

Or en l'espèce, M. X n'avait pas sollicité une telle autorisation.

Il conviendra dès lors de voir la position qui sera adoptée par la juridiction de renvoi sur cette question et notamment si les principes garantis par l'article 8 de la CEDH permettent de faire échec au prononcé d'une mesure réelle de restitution indépendemment des cas de figure identifiés par le code de l'urbanisme.