CE, 28 avril 2017, n°395867:

Dans cette décision, le Conseil d'Etat apporte une précision importante sur les modalités de régularisation d'un permis de construire.

Les faits sont les suivants.

Une société de promotion immobilière se voit accorder un permis de construire et un permis de construire modificatif pour la construction de quatre bâtiments de quatre-vingt-seize logements.

Des requérants saisissent le Tribunal administratif de Pau lequel annule le permis de construire initial uniquement.

La commune et le pétitionnaire se pourvoient en cassation contre cette décision en application des dispositions de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative.

Les requérants faisaient griefs au juge de première instance d'avoir préféré annuler le permis initial plutôt que de tenir compte du permis de régularisation obtenu entre l'audience publique et le prononcé du jugement.

En l'espèce, après avoir pris connaissance de la teneur des conclusions défavorables du rapporteur public lors de l'audience publique, le titulaire de l'autorisation contestée avait sollicité et obtenu un permis de construire modificatif.

Il a transmis ce permis de régularisation à la juridiction dans le cadre d'une note en délibéré.

Le Tribunal a toutefois refusé de rouvrir l'instruction et de transmettre cette note en délibéré aux requérants pour pouvoir le cas échéant recueillir leurs observations et tenir compte de cette nouvelle circonstance pour modifier la solution retenue.

Le Conseil d'Etat sanctionne cette attitude en rappelant que :

"(...) devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci ; qu'il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser ; que, s'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser ; que, dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision ; que, lorsque le juge est saisi d'un recours dirigé contre un permis de construire et qu'est produit devant lui, postérieurement à la clôture de l'instruction, un permis modificatif qui a pour objet de modifier des éléments contestés du permis attaqué et qui ne pouvait être produit avant la clôture de l'instruction, il lui appartient, sauf si ce permis doit en réalité être regardé comme un nouveau permis, d'en tenir compte et de rouvrir en conséquence l'instruction ; (...)"

Selon la haute juridiction, la délivrance d'un permis de construire modificatif produit avec une note en délibéré constitue une circonstance nouvelle justifiant la réouverture de l'instruction. La circonstance que ce permis ait été sollicité et obtenu à la suite des conclusions prises par le rapporteur public à l'audience étant sans incidence sur la possibilité de régulariser les vices affectant le permis initial.

Le Conseil d'Etat reconnait ainsi la possibilité de régulariser les permis de construire affectés d'un vice entachant leur légalité jusqu'au prononcé effectif de l'annulation et ce, afin de mieux sécuriser les projets de construction.

 

Giany Abbe - Avocat au barreau de Paris

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