TA Montreuil, 1er février 2018, n°1702610 :

Le 27 janvier 2017, la commune de Montreuil décide de préempter un terrain pour permettre à une association cultuelle d’étendre la capacité d’accueil d’une mosquée, d’agrandir son parking et de créer des salles de cours et de conférence ainsi qu’une bibliothèque destinée à l’enseignement religieux.

Les propriétaires de ce terrain saisissent le Tribunal administratif de Montreuil pour demander l’annulation de cette décision.

Ils soutiennent que cette décision méconnait tant les dispositions de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme que la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat.

L’article L. 210-1 du code de l’urbanisme prévoit que les droits de préemption sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, d’actions ou d’opérations qui doivent répondre aux objets définis par l’article L. 300-1 de ce même code.

L’article L. 300-1 du code de l’urbanisme dispose quant à lui que  : « Les actions ou opérations d’aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels.

L’aménagement, au sens du présent livre, désigne l’ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d’une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l’alinéa précédent et, d’autre part, à assurer l’harmonisation de ces actions ou de ces opérations.(…) » ;

Le juge administratif considère qu’il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain ne peuvent légalement exercer ce droit que si, d’une part, elles justifient de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme et, d’autre part, elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

Il faut que également que la mise en œuvre de ce droit réponde à un intérêt général suffisant eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de celle-ci.

La réalisation des équipements collectifs visés par ces dispositions ne peut en principe concerner que des opérations qui revêtent une certaine ampleur et qui relèvent de la compétence des collectivités publiques ou sont mises en œuvre par elles ou sous leur contrôle.

 A cet égard, il est admis qu’une commune peut exercer son droit de préemption sur un bien pour rétrocéder ce bien à une autre personne afin que celle-ci réalise l’aménagement prévu. Cependant, dans un tel cas de figure, la personne qui bénéficie de la rétrocession doit être soit une collectivité publique, soit un organisme contrôlée par elle.

Dans cette affaire, le Tribunal administratif de Montreuil a considéré que : « (…) ni l’extension d’un édifice cultuel ni celle du parking réservé aux fidèles, attenant à cet édifice, ne sauraient constituer la réalisation d’un tel équipement collectif (…) » pas plus que ne sauraient l’être des salles de classe et de conférence ainsi qu’une bibliothèque affectées à l’enseignement religieux.

Les juges ont donc estimé que la décision de préemption en cause devait être annulée dans la mesure où de telles opérations ne constituaient pas une opération d’aménagement au sens de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme.

Invité en cela par les requérants, le Tribunal a également contrôlé la légalité cette décision de préemption au regard des dispositions de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des Eglises et de l’Etat.

Citant les articles 2, 13 et 19 de cette loi, le Tribunal administratif de Montreuil a rappelé que les collectivités publiques ne peuvent apporter aucune contribution directe ou indirecte à la construction de nouveaux édifices cultuels.

Puis, analysant la nature et l’ampleur des opérations devant être réalisées (extension d’une mosquée, de son parking, création de salles de classe, de salles de conférence et d’une bibliothèque consacrées à un enseignement religieux), il va considérer que les travaux envisagés n’ont pas la nature de travaux de réparation d’un édifice cultuel (pour lesquels une contribution est admise) mais doivent être assimilés à la construction d’un édifice cultuel et de ses dépendances.

Par conséquent, le Tribunal va considérer qu’une telle décision de préemption, laquelle engage nécessairement les finances de la commune, constitue une contribution indirecte à la construction édifice cultuel et méconnait ainsi les dispositions des articles 2 et 19 de la loi du 9 décembre 1905.