Les derniers rapports sur la consommation des médicaments de ville en France, publiés par le groupement d’intérêt scientifique EPI-PHARE, mettent en évidence une forte augmentation des délivrances de médicaments antidépresseurs, antipsychotiques, anxiolytiques et hypnotiques depuis le début de la crise sanitaire liée à la Covid-19. 

Face à ce constat, le 28 septembre 2021, à l’occasion des « assises de la santé mentale et de la psychiatrie », le Président de la République a annoncé l’instauration d’un nouveau dispositif de prise en charge par les caisses primaires d’assurance maladie de « séances d’accompagnement réalisées par un psychologue ».

Les règles encadrant ledit dispositif, désormais dénommé « MonPsy », ont été insérées aux articles L. 162-58 et R. 162-60 à R. 162-72 du code de la sécurité sociale, lesquels renvoient à plusieurs arrêtés notamment ceux des 24 février, 2 et 8 mars 2022. 

A l’analyse de ces textes, il est évident que MonPsy a été construit comme un dispositif de premier recours, destiné à prendre en charge les pathologies psychiques les plus légères, notamment celles pour lesquelles la majorité des patients tardent à consulter, ce qui favorise l’aggravation de leur état de santé. 

Autrement dit, MonPsy se situe à la frontière entre le préventif et le soin.  

D’ailleurs, les objectifs énoncés par le site internet « https://monpsy.sante.gouv.fr/ » le confirment : 

« Face aux besoins croissants, notamment suite à la crise sanitaire, l’objectif est d’améliorer l’accès à un accompagnement psychologique pour la population, notamment pour les personnes pour lesquelles le coût des séances était un frein. »

« MonPsy étant un dispositif de 1er recours, il vise également à alléger la charge de travail des médecins généralistes, très souvent en première ligne, mais qui n’ont pas toujours le temps suffisant pour prendre en charge la souffrance psychologique et dont ce n’est pas le cœur de métier. »

Alors que MonPsy devait participer à la reconnaissance de la profession de psychologue, certains le jugent peu ambitieux, voire dévalorisant (le syndicat national des psychologues a même publié un communiqué intitulé « la casse de la profession de psychologue » le 22 avril dernier).

Sans évoquer l’opportunité d’un tel choix politique, l’analyse des textes confirme effectivement que les conditions de son application sont restrictives, certainement trop.   

 

1. Les praticiens partenaires :

L’article L. 162-58 du code de la sécurité sociale n’évoque que les psychologues exerçant « dans le cadre d’un exercice libéral ou d’un exercice en centre de santé ou en maison de santé », en excluant donc d’emblée ceux des établissements de santé.

Par ailleurs, les psychologues pouvant intervenir dans le cadre du dispositif MonPsy font l’objet d’une sélection selon 3 critères (cf. article R. 162-60), dont le dernier pourrait s’avérer subjectif :

  • être inscrits auprès de l'ARS,
  • disposer d'une expérience professionnelle en psychologie clinique ou en psychopathologie de trois ans minimum,
  • jouir d’une compétence suffisante en psychologie clinique ou psychopathologie au regard de leur formation initiale ou continue et de leur pratique professionnelle.

La subjectivité de cette troisième condition est d’autant plus gênante qu’un numerus clausus (cf. L. 162-58) sera fixé chaque année (ce qui pourrait être source de contentieux en cas d’attractivité du dispositif).

Quoi qu’il en soit, ceux qui auront finalement été choisis devront impérativement signer une convention avec l’Assurance Maladie, dont les termes semblent non négociables puisqu’ils sont fixés par l’arrêté du 2 mars 2022, ce qui explique possiblement le faible engouement des psychologues (qui estiment par ailleurs que les tarifs déterminés sont trop bas). 

 

2. Les pathologies prises en charge :

L’arrêté du 8 mars 2022 fixe les « critères d’inclusion du dispositif » en distinguant les patients majeurs de ceux mineurs :

  • pour les adultes, MonPsy permettra de prendre en charge les « troubles anxieux d’intensité légère à modérée », les « troubles dépressifs d’intensité légère à modérée », les « mésusages de tabac, d’alcool ou de cannabis hors situation de dépendance » et les « troubles du comportement alimentaire sans critères de gravité »,
  • pour les enfants de plus de 3 ans, seules les « situation de mal-être ou de souffrance psychique pouvant susciter l’inquiétude de l’entourage » sont envisagées. 

Les troubles les plus graves sont donc rigoureusement exclus, l’arrêté prévoyant même, à plusieurs reprises, que le nouveau dispositif doit être écarté dès lors qu’un « avis spécialisé par un psychiatre » est nécessaire « d’emblée ou en cours de prise en charge ».

Autrement dit, le champ d’intervention des psychologues via la plateforme MonPsy est circonscrit aux pathologies les plus légères, ce que regrettent manifestement les groupements de psychologues.

 

3. Les conditions de prise en charge par les caisses :

Outre les conditions tenant aux praticiens et pathologies, ce sont celles qui encadrent le dispositif qui apparaissent les plus gênantes pour espérer atteindre l’objectif énoncé.

Tel que le déplorent les syndicats des psychologues, la prise en charge financière des séances est conditionnée à l’intervention d’un médecin prescripteur (qu’il s’agisse du médecin traitant ou de tout autre médecin intervenant dans la prise en charge), alors que les patients atteints des pathologies visées sont susceptibles d’hésiter à en parler au corps médical pour solliciter une prescription.

Une fois ce premier obstacle franchi, les patients ne pourront bénéficier que d’un entretien d’évaluation (facturable 40 €) et de 7 séances d’accompagnement psychologique (dont le tarif est de 30 €), soit 8 séances maximum au total, à propos desquels le psychologue devra rendre compte au prescripteur.

Enfin, même si la téléconsultation est textuellement prévue, son recours est excessivement restreint puisque l’entretien d’évaluation doit impérativement avoir lieu en présentiel et que le praticien ne doit pas réaliser plus de 20 % de son activité conventionnée à distance.

 

Dès lors, sauf à être promu très activement (notamment par les médecins prescripteurs), en l’absence d’un assouplissement des règles encadrant MonPsy, il est hautement probable qu’il ne permettra pas d’endiguer la souffrance psychologique grandissante des français avant qu’elle ne s’aggrave au point que des prescriptions médicamenteuses deviennent nécessaires.

 

                                                                                                             Mylène Bernardon,

                                                                                                              Avocate à la Cour