Historiquement, elle a été créée par une loi de Vichy en 1941. Puis, elle a été consacrée comme un PGD[1] par le Conseil d’Etat[2], qui en a progressivement étendu sa portée. Pendant longtemps régi par les lois dites « le Pors »[3], depuis l’entrée en vigueur le 1er mars 2022 du CGFP[4], la protection fonctionnelle est encadrée par les articles L. 134-1 à -12 du code.
Bien que les médecins, odontologistes et pharmaciens exerçant dans des hôpitaux publics ne relèvent pas de la fonction publique hospitalière, ils bénéficient aussi de cette protection, sous l’impulsion de la jurisprudence et désormais[5] en vertu de l’article L. 6152-4 du CSP[6].
Ainsi, le PH[7]ou l’ancien PH bénéficie d’une protection organisée par l’hôpital où il exerçait au moment des faits litigieux :
- sa responsabilité civile ne peut pas être engagée en raison d’une faute commise dans l’exercice de ses fonctions (c’est-à-dire qu’un patient ne peut pas obtenir la condamnation judiciaire du PH à lui indemniser les préjudices qu’il aurait subi par sa faute), sauf s’il s’agit d’une « faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions » ;
- lorsque sa responsabilité pénale est recherchée, sauf si l’infraction pénale correspond à une « faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions », l’hôpital doit accorder sa protection au PH, notamment en payant ses frais de justice ;
- dans le cas où le PH serait victime d’atteintes volontaires à l'intégrité de sa personne, de violences, d’un harcèlement, de menaces, d’injures, de diffamations ou d’outrages (sans qu’aucune faute personnelle puisse lui être imputée), l’hôpital doit réparer les préjudices qui en résultent et également financer le procès que le PH souhaiterait introduire ;
- si l’hôpital est informé de l’existence d’un risque manifeste d'atteinte grave à l'intégrité physique du PH, il doit prendre, sans délai et à titre conservatoire, les mesures d'urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l'aggravation des dommages directement causés par ces faits.
Dans ce cadre, le PH qui mandate un avocat est libre de choisir.
En revanche, pour que l’hôpital prenne directement ou indirectement en charge le paiement des honoraires de l’avocat désigné par le PH, il est nécessaire que la protection fonctionnelle ait été accordée par l’établissement de santé.
Le décret n° 2017-97 du 26 janvier 2017, qui encadre les conditions de prise en charge des frais de procédure, impose que le PH en formule la demande par écrit, en exposant les faits la justifiant.
En effet, bien qu’il existe une quasi-obligation de l’accorder, l’hôpital peut la refuser s’il estime que :
- le litige concerne une « faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions »,
- un motif d’intérêt général s’y oppose[8],
- la demande n’est pas suffisamment motivée ou tardive.
Le cas échéant, la décision de refus devra impérativement être motivée et pourra faire l’objet d’un recours.
Sur ce point, dans la mesure où il n’est pas rare qu’une protection fonctionnelle soit sollicitée dans le cadre d’un litige interne entre agents, le Conseil d’Etat a récemment précisé que « si la protection […] n’est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique »[9].
Bien que les contours de la « faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions » ne sont pas toujours aisés à appréhender pour un professionnel de santé, il faut retenir que, dans la majorité des cas, la protection fonctionnelle suffit à le protéger, dans l’exercice de ses fonctions, notamment lorsqu’il est attaqué par des patients ou leur famille, que ce soit pénalement ou pour tenter d’obtenir une indemnisation.
Il apparaît donc peu utile de souscrire un contrat d’assurance à ce sujet, bien que cela soit toujours conseillé pour garantir les rares hypothèses (aux conséquences néanmoins importantes) dans lesquelles le PH ne bénéficierait pas de la protection fonctionnelle (parce que l’hôpital refuserait de lui accorder, en cas de « faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions » ou dans l’hypothèse où les soins sont prodigués en dehors de l’exercice hospitalier, à des proches par exemples).
Mylène Bernardon
Avocate à la Cour
[1] Principe Général du Droit
[2] CE, Sect., 26 avril 1963, Centre hospitalier de Besançon,
[3] Il s’agit des lois définissant le statut des trois fonctions publiques (d’Etat, territoriale et hospitalière) : la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986
[4] code général de la fonction publique
[5] depuis la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016
[6] code de la santé publique
[7] praticien hospitalier
[8] CE, Assemblée, 14 février 1975, n° 87730, Publié au recueil Lebon ; CE, section du contentieux, 8 juin 2011, n° 312700, Publié au recueil Lebon ; CE, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 26 juillet 2011, n° 336114
[9] CE, 5ème et 6ème Chambres réunies, 29 juin 2022, n° 423996, Publié au recueil Lebon
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