Les fonctionnaires en activité ont droit à des congés de maladie déterminés en fonction de la nature de la pathologie, de sa gravité et de ses effets. C'est ainsi que les articles 34 de la loi du 11 janvier 1984, 57 de la loi du 26 janvier 1984, et 41  de la loi du 9 janvier 1986, repris aux articles L. 822-17 à L. 822-30 code général de la fonction publique fixent le régime des congés de maladie ordinaire, de longue maladie et de longue durée des fonctionnaires de l'Etat, des collectivités territoriales et de l'hospitalière.

 

L'octroi de ces congés, habituellement sollicités par les agents, obéit à des procédures singulières, faisant intervenir médecin expert et comité médical départemental ( aujourd'hui conseil médicaux depuis la loi du 6 aout 2019 de transformation de la fonction publique), préalablement.

 

Pour autant, il arrive que l'administration procède au placement d'office en congé de maladie alors même que le fonctionnaire ne l'a pas sollicité, sur le fondement de l'article 34 du décret  n°86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires applicable aux fonctionnaires de l'Etat, de l'article 24 du décret n°87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des conseils médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, et de l’article 23 du décret n°88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière

L’article 34 du décret du 14 mars 1986 applicable aux fonctionnaires de l’Etat dispose que « Lorsqu'un chef de service estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs hiérarchiques, que l'état de santé d'un fonctionnaire pourrait justifier qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article 34 (3° ou 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, il saisit le conseil médical de cette question. Il informe de cette saisine le médecin du travail qui transmet un rapport au conseil médical ».

L’article 24 du décret n°87-602 du 30 juillet 1987 applicable aux fonctionnaires territoriaux dispose :

« Lorsque l'autorité territoriale estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs d'un fonctionnaire, que celui-ci se trouve dans la situation prévue au 3° ou au 4° de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée, il saisit le conseil médical pour avis et en informe le médecin du travail du service de médecine préventive attaché à la collectivité ou l'établissement dont relève le fonctionnaire concerné qui transmet un rapport au conseil médical ».

L’article 23 du décret n°88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière dispose :

« Lorsque l'autorité investie du pouvoir de nomination estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs hiérarchiques, que l'état de santé d'un fonctionnaire pourrait justifier qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article 41 (3° et 4°) de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, elle saisit le conseil médical de cette question. Elle informe de cette saisine le médecin du travail qui transmet un rapport au conseil médical ».

 

L’esprit de ces dispositions est le même, les divergences de rédaction se justifiant essentiellement par des questions de répartition d’attributions propres à chaque fonction publique, concernant l’autorité administrative à même d’initier une telle procédure et qui est amenée à prendre in fine une décision en matière de placement en congé de maladie.

Le juge administratif (CE, 8 avril 2013, n° 341697) a considéré, sans ambigüité que les dispositions précitées ne subordonnent pas la mise en congé de maladie à une demande du fonctionnaire et ne sauraient donc par elles-mêmes faire obstacle à ce qu'un fonctionnaire soit placé d'office dans la position dont il s'agit dès lors que sa maladie a été dûment constatée et qu'elle le met dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions.  Le placement d'office en congé de maladie ne peut donc intervenir sans constatation préalable d'un état pathogène et d’une impossibilité consécutive à exercer les fonctions. Ces constatations présentent une garantie pour le fonctionnaire contre les placement abusifs en congé d'office. Elles contraignent ainsi les administrations à prendre les précautions nécessaires à l'établissement des constatations, en mettant l'accent sur l'état pathologique et ses effets, et en le distinguant, aspect délicat de l'appréciation, de la manière de servir de l'agent, tout en leur réservant une certaine liberté d'appréciation sur la dimension médicale, en s'appuyant sur une question de vraisemblance médicale, et non d'exactitude.

C'est ainsi que le juge administratif considère « que lorsque le comportement d’un agent, paraissant imputable à un état pathologique, est de nature à porter, gravement et de façon immédiate, atteinte au fonctionnement normal du service, l’administration peut, en raison de l’urgence, placer l’agent en congé maladie d’office après avoir fait procéder à son examen par un médecin expert agréé et après avoir saisi de sa propre initiative le comité médical compétent ».  Les garanties accordées aux fonctionnaires apparaissent alors nombreuses : consultation d'expert, saisine du conseil médical, pour sécuriser l'appréciation finale sur l'état de santé d'une part, existence d'une urgence, et donc d'un risque grave, pour le fonctionnaire et/ou pour le service, pour justifier, dans l'attente du placement definitf en congé de maladie après avis de l’instance médicale, d'un placement à titre conservatoire en congé maladie de manière immédiate.

Suivant ce cadre protecteur tant pour le fonctionnaire que pour les collègues et les usagers, le juge administratif opère un contrôle minutieux des décisions de placement d'office en congé de maladie qui lui sont déférées dans le cadre du contentieux de l'annulation. C'est ainsi que s'il constate que  la décision de placement en congé d’office a été prise sur le fondement d’une simple lettre peu documentée du médecin de prévention et aucun  élément probant de nature à caractériser un état de pathologie empêchant l’intéressé d’exercer normalement ses fonctions au sein de l’établissement ne ressortait des pièces du dossier, il ne pourra que considérer que le placement, et a plus forte raison le maintien  en congé de maladie du fonctionnaire contre son gré n'était pas justifié et devra être annulé.

De même, il annulera la décision de placement en congé de maladie d'office s'il apparaît, qu'en réalité, l’administration avait cherché en l’espèce à sanctionner la manière de servir de l’agent et les relations difficiles que le requérant avait avec ses collègues, entachant ainsi sa décision de détournement de pouvoir, cette situation étant dépourvu de tout lien avec l'état de santé du fonctionnaire  (TA Nice, 17 decembre 2010, n°0901844 ; TA Montreuil, 30 avril 2015, n°1402727 ; TA Versailles, 20 mars 2009, n° 0709099[1]).

Il annulera également la décision de placement d'office pour erreur d'appréciation lorsque l’avis du comité médical (aujourd'hui du conseil médical) ou du médecin agrée infirme les conclusions médicales ayant justifiées le placement en congé de maladie d’office (TA Dijon, 31 mars 2016, n°1402559 ; TA Lyon, 6 juin 2012, n°1101146 ; TA Lyon 6 juin 2012, n°1104239).

Enfin, il convient de rappeler que les congés de maladie ont une durée initiale limitée, et nécessitent, pour être prolongés, l'intervention périodique d'une décision administrative de prolongation, nécessitant, là encore, au préalable la consultation de l'instance médicale. Et le juge administratif, sera amené également à contrôler la légalité des arrêtés de prolongation de conge de maladie d'office, en vérifiant si la décision de prolongation, est toujours justifiée sur un plan médical, l'état de santé de l'agent étant susceptible d'évoluer. C'est ainsi, que le Conseil d'Etat a pu annuler des  arrêtés de prolongation de congé d’office d’un fonctionnaire, dès lors que l’administration avait justifié son premier arrêté par un avis médical évoquant la nécessité d’un arrêt pour une période d’un mois, sans avoir justifiée, pour les arrêtés postérieurs, d’un nouvel avis médical (CE, 8 avril 2013, n° 341697), allant au-delà de la période d’un mois initialement évoquée.

Pour les employeurs, il est donc impératif, de sécuriser la décision de placement d’office en congé, par des considérations d’ordre médical et par leurs effets sur le service.

Pour les fonctionnaires, il est tout autant impératif, s’ils font l’objet d’une telle mesure, de ne pas attendre, pour solliciter, en dehors même de la procédure,  un médecin, notamment spécialiste, afin de disposer d’une appréciation contradictoire, et de prendre l’attache d’un conseil pour le cas échéant demande l’annulation de la décision de placement en congé maladie d’office et ses éventuelles prolongations.

 

 


[1]« Considérant que Mme Y, professeur des écoles, a fait l’objet d’une mise d’office en congé de longue maladie à compter du 31 mai 2007, par décision du 29 mai 2007, après avoir fait l’objet d’une inspection en date du 1er février 2006 et d’un rapport de l’inspectrice de l’éducation nationale en date du 28 mai 2007 ; que toutefois, les conclusions défavorables de ces rapports, qui relèvent un déficit d’enseignement et un comportement inadapté de la requérante, ne permettent pas de considérer pour autant que celle-ci relèverait des cas de maladie mentale faisant courir un danger immédiat aux enfants, prévus par les dispositions précitées du décret du 29 juillet 1921 ; que cette décision est ainsi entachée d’erreur d’appréciation ; »