La rescision pour lésion est encadrée par les articles 1674 à 1685 du code civil.

Toutefois, il ne sera évoqué ici que l’article qui intéresse la présente consultation : l’article 1675 du code civil.

Ce dernier dispose que :

« Pour savoir s'il y a lésion de plus de sept douzièmes, il faut estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente.

En cas de promesse de vente unilatérale, la lésion s'apprécie au jour de la réalisation. »

1. Estimer l’immeuble

Lorsque la vente a pour objet plusieurs immeubles vendus pour un prix unique, ces immeubles doivent faire l'objet d'une évaluation globale, même si le vendeur n'invoque la lésion qu'à l'égard de l'un d'eux (Cass. 3e civ., 3 nov. 2011, n° 10-19.452).

Ainsi en va-t-il s'agissant de la vente de deux piscicultures moyennant un prix global car :

« le consentement à l'acte de la part de l'acquéreur a pu avoir pour cause soit le fait que les immeubles étaient vendus en bloc, soit l'acceptation d'un prix élevé pour un lot compensée par un prix très modique pour le solde » (CA Rennes, 1re ch., 3 mars 1982 : JurisData n° 1982-640402).

Les immeubles doivent être évalués globalement, alors même que la vente globale a été suivie d'une déclaration de command en faveur d'acquéreurs distincts (Cass. 1re civ., 7 nov. 1962 : Bull. civ. I, n° 469 ; D. 1963, somm. p. 63).

Il convient également de considérer globalement les immeubles lorsque, après avoir fait l'objet d'une promesse unique dont l'option a été levée pour l'ensemble des biens, la vente a finalement été réalisée par deux actes distincts au profit de deux acquéreurs différents (Cass. 3e civ., 30 juin 1999, n° 97-16.882).

2. Suivant son état et sa valeur

  • Valeur vénale

L'évaluation doit permettre de déterminer la valeur vénale de l'immeuble au moment de la vente.

Cette valeur vénale correspond à la valeur commerciale de l'immeuble, c'est-à-dire qu'elle détermine le prix que le vendeur aurait pu obtenir si la vente de l'immeuble s'était faite dans des conditions normales, compte tenu du marché immobilier. Cela exclut que la lésion soit appréciée par référence à l'estimation fiscale de l'immeuble, estimation faite par l'Administration pour le calcul des droits à payer lors de la mutation (CA Paris, 2e ch., 28 oct. 1981 : JurisData n° 1981-028429).

La recherche de la valeur vénale exclut également qu'il soit tenu compte de la valeur subjective et personnalisée que le vendeur ou l'acheteur attachent à l'immeuble en raison de leur goût ou de leurs convenances (CA Paris, 4 févr. 1932 : DH 1932, p. 242).

Plusieurs éléments sont susceptibles d'influer sur la valeur vénale de l'immeuble.

  • État de l'immeuble

II importe de prendre en considération l'état matérielle et juridique de l'immeuble au moment de la vente (Cass. 3e civ., 30 juin 1993, n° 91-15.428). C'est ainsi que la vétusté des locaux constitue une source de moins-value. Si l'acquéreur prétend avoir effectué des travaux de remise en état de l'immeuble depuis la vente, il doit en justifier pour que l'évaluation soit faite en fonction de l'état de l'immeuble avant ces travaux (CA Paris, 2e ch., sect. B, 11 mai 1983 : JurisData n° 1983-023807).

  • Situation de l'immeuble

L'évaluation doit aussi tenir compte de la situation de l'immeuble dans son environnement (Cass. 3e civ., 22 mai 2012, n° 11-17.437 ; CA Paris, 2e ch., sect. A, 1er juin 1993 : JurisData n° 1993-021537 . - CA Versailles, 28 mars 2013, n° 11/09194 JurisData). Ainsi, l'emplacement d'un immeuble dans un quartier médiocre ou au commerce peu actif est une source de moins-value pour cet immeuble.

L’évaluation doit également prendre en considération la présence d'une servitude de vue et d'un accès étroit (Cass. 3e civ., 22 mai 2012, n° 11-17.437), ou encore la constructibilité du terrain (Cass. 3e civ., 4 déc. 2012, n° 11-25.385) ;

  • Immeuble occupé

La jurisprudence tient également compte, pour l'évaluation de l'immeuble, de ce que celui-ci est occupé ou non (CA Aix-en-Provence, 15 févr. 2013, n° 2013/082 : JurisData n° 2013-015599 ) par un locataire (Cass. 3e civ., 21 déc. 2017, n° 16-25.932), ou un occupant muni d'un titre autre, ou par un indivisaire (Cass. 1re civ., 28 févr. 2006, n° 03-16.322), etc.

Une telle occupation déprécie la valeur de l'immeuble, et ce alors même que le bail a pris fin le jour de la vente parce que l'acquéreur était le locataire (Cass. req., 18 oct. 1927 : DP 1928, 1, p. 35, note Lalou. - Cass. civ., 29 janv. 1930 : DP 1932, 1, p. 57, note Radouant. - Cass. civ., 9 avr. 1932 : DP 1932, 1, p. 59, note J.R. - Cass. 1re civ., 13 févr. 1951 : Bull. civ. I, n° 63 . - Cass. 1re civ., 16 nov. 1959 : Gaz. Pal. 1960, 1, p. 61 ; RTD civ. 1960, p. 325 , obs. Carbonnier. - Cass. 3e civ., 13 mars 1979 : D. 1979, IR p. 380 ; JCP G 1979, IV, p. 180 ; Bull. civ. III, n° 64 ; Journ. not. 1979, p. 1478 , obs. J. V.).

Cette dépréciation est d'autant plus importante lorsque les loyers sont réglementés ou que le locataire bénéficie d'un droit au maintien dans les lieux (CA Paris, 2e ch., 28 oct. 1981 : JurisData n° 1981-028429 ).

3. Au moment de la vente

La lésion s'apprécie au jour de la conclusion du contrat, c'est-à-dire au jour de l'accord des volontés, et non au jour du jugement, de l'expertise ou de la date de la demande en rescision.

Toutes les modifications qui ont affecté la valeur de l'immeuble après la vente ne doivent donc pas être prises en compte (Cass. 3e civ., 17 juin 2009, n° 08-14.792 - Cass. 3e civ., 17 juin 2009, n° 08-15.055).

Les biens à évaluer doivent être déterminés par référence à l'acte de vente (Cass. 1ère civ., 2 mai 1960 : Bull. civ. I, n° 226). Il importe alors peu que l'immeuble présente une surface différente au cadastre (Cass. 3e civ., 5 déc. 2012, n° 11-21.026 et 11-22.912) ou qu'il ait subi des modifications depuis la vente.

Ainsi, par exemple, le fait que le terrain vendu ait été par la suite divisé, avec comme conséquence une augmentation de valeur de certains des lots, demeure indifférent (V. CA Grenoble, 1re ch. civ., 20 févr. 1990 : JurisData n° 1990-042003).

Enfin, pour rappelle, l’article 1676 du code civil dispose que :

La demande n'est plus recevable après l'expiration de deux années, à compter du jour de la vente.

Ce délai court et n'est pas suspendu pendant la durée du temps stipulé pour le pacte du rachat.

Le vendeur lésé ne peut ainsi plus agir en rescision pour lésion deux ans après la conclusion de la vente.