CE, 31 mars 2017, n°392186 :

Après avoir rappelé qu'une carte communale ne pouvait pas déroger à la loi littoral (CE, 3 octobre 2016, n°391750, cf. notre brève du 18 octobre 2016), le Conseil d'Etat applique le même principe s'agissant d'un plan local d'urbanisme.

Le maire d'une commune située au bord du lac d'Annecy en haute-savoie refuse un permis de construire un bâtiment de cinq logements.

La société de promotion immobilière saisit le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à l'annulation de ce refus, laquelle sera rejetée. La Cour administrative d'appel de Lyon confirme cette décision et le promoteur se pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.

Le refus de la commune était fondé sur les dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, dans sa version alors en vigueur, lequel dispose s'agissant du littoral, que :

"I ― L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement.

Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l'accord du préfet après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites. Cet accord est refusé si les constructions ou installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages.(...)"

Le PLU de la commune classait pourtant la parcelle devant acceuillir le projet en terrain constructible. Le promoteur soutenait donc que le maire ne pouvait légalement s'opposer à sa demande de permis de construire sur ce fondement dès lors que le PLU permettait l'extension de l'urbanisation dans ce secteur.

Le Conseil d'Etat écarte tout d'abord l'erreur de droit en rappelant qu:

"(...) il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 146-1 du code de l'urbanisme, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Dans le cas où le territoire de la commune est couvert par une directive territoriale d'aménagement définie à l'article L. 111-1-1 du même code, ou par un document en tenant lieu, cette conformité doit s'apprécier au regard des éventuelles prescriptions édictées par ce document d'urbanisme, sous réserve que les dispositions qu'il comporte sur les modalités d'application des dispositions des articles L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme soient, d'une part, suffisamment précises et, d'autre part, compatibles avec ces mêmes dispositions.(...)"

Dans ces conditions, peu importe que le PLU prévoit ou non la constructibilité du terrain. Les auteurs d'un document local d'urbanisme doivent s'assurer de la compatibilité de ceux-ci avec les dispositions du code de l'urbanisme spécifiques tel que la loi littoral y compris au stade de la délivrance des autorisations (CE, 9 novembre 2015, n°372531). Ce travail de vérification est nécessaire même si l'ouverture à l’urbanisation de la zone s'est faite en compatibilité avec les orientations des schémas de cohérence territoriale et des schémas de secteur ou, avec les dispositions de la loi Littoral.

Par ailleurs, le Conseil d'Etat écarte le moyen tiré de la dénaturation des faits en considérant que le projet constituait une extension de l'urbanisation en discontinuité des agglomération, village existant et hameau nouveau intégré à l'environnement.

Cette décision s'inscrit dans une logique de droit constant. La situation du projet au regard de l'existant relève d'une appréciation conrète des faits de l'espèce difficilement critiquable au stade de la cassation. Toutefois, il me semble que la commune devrait engager sa responsabilité vis-à-vis du promoteur pour ne pas avoir édicté un document local d'urbanisme compatible avec la loi littoral. Il est en effet regrettable de faire reposer ainsi la charge financière d'étude du projet sur le promoteur qui élabore celui-ci sur la base de documents d'urbanisme inadaptés. Se pose en effet de sérieux problèmes de prévisibilité et de lisibilité de la norme qui, en l'espèce, est préjudiciable au porteur du projet.

 

Giany Abbe - Avocat au barreau de Paris

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