SUSPENSION DES LOYERS COVID 19

(en l’état des textes en vigueur au 7 avril 2020)

Depuis le 14 mars 2020, l’Etat français a interdit par arrêté la réception du public dans l’ensemble des commerces « non essentiels » à la vie de la Nation jusqu’au 15 avril 2020 afin de lutter contre la propagation du virus Covid-19, classé officiellement comme pandémie par l’OMS depuis le 11 mars dernier.

Ces mesures ont été renforcées par décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 organisant un « confinement » de la population française à compter du 17 mars 2020.

Suite à la promulgation de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, ces mesures ont été reprises par le décret n°2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Les Pouvoirs publics ont annoncé la prorogation de ces mesures au-delà du 15 avril 2020 et le durcissement des mesures de confinement.

En l’état des textes en vigueur, certains établissements ont dû fermer sur ordre des pouvoirs publics et d’autres non.

A titre d’exemple :

  • Les brasseries, qui relèvent de la catégorie des Etablissement Recevant du Public (ERP) de type N, sont directement visées par les mesures d’interdiction de réception du public adoptées par les pouvoirs publics depuis le 14 mars 2020 à minuit. Elles sont donc contraintes, sauf pour leurs éventuelles activités de livraison et de vente à emporter, de baisser leur rideau.
  • Les hôtels, Etablissement Recevant du Public (ERP) de catégorie O, ne sont pas visés directement par les mesures d’interdictions résultant de l’arrêté du 14 mars 2020 ni par le Décret n°2020-293 du 23 mars 2020. Ces textes rappellent au contraire que les hôtels et hébergement assimilés peuvent poursuivre leur activité. Ils doivent toutefois assurer la mise en place les mesures d’hygiène et de distanciation sociale, dites « barrières ».
  • Les agences immobilières, qui relèvent de la catégorie des Etablissement Recevant du Public (ERP) de type W (Administrations, banques, bureaux)[1], ne sont – en l’état des textes – pas visées par l’interdiction de recevoir du public, sous réserve du respect des mesures dites « barrières ».
  • Les locaux exploités par les entreprises du secteur du BTP et les artisans, qui relèvent le plus souvent de la catégorie des Etablissement Recevant du Public (ERP) de type W (Administrations, bureaux) ne sont pas visés par les mesures de restrictions.

Seules les entreprises exploitant des ERP de type M (Magasins de vente) et T (Salles d’exposition à vocation commerciale) entrent dans le champ des mesures précitées.

Localement, un arrêté préfectoral peut imposer des restrictions supplémentaires. Depuis le début du mois d’avril, le Préfet du Gard a ainsi interdit la réception du public dans les hébergements à vocation touristique, incluant expressément les chambres d’hôtel (Arrêté n°30-2020-04-04-001). Des mesures similaires ont été adoptées en Charente-Maritime, en Gironde, dans les Landes, dans le Vaucluse,le Var en Corse ou encore dans les Pyrénées-Atlantiques.

Si l’ensemble des entreprises ne sont pas visées, la combinaison des dispositions interdisant la réception du public pour la plupart des commerces et celles restreignant fortement les déplacements produit cependant un effet « cocktail » qui affecte l’ensemble de l’économie.

En outre, bon nombre d’établissements qui pourraient rester ouverts ne le peuvent pas, faute de pouvoir protéger leurs employés (pénurie de masques, de gel hydroalcoolique, de désinfectants pour les machines etc…).

Le Président de la République a annoncé le 16 mars 2020 que des mesures seraient adoptées afin d’assurer la « suspension des factures d'eau, de gaz ou d'électricité ainsi que des loyers. » pour les petites entreprises.

Si pour l’instant aucune suspension des loyers n’a été organisée, l’article 4 de l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 prévoit qu’à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, les entreprises pouvant bénéficier du fonds de solidarité créé par l'ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020 ne peuvent encourir aucune mesure de sanction, ni voir mettre en jeu aucune garantie, en cas de non-paiement de leur loyer ou de leurs charges.

Toute entreprise pouvant prétendre au bénéfice du fonds de solidarité apparait pouvoir retarder le règlement de ses loyers et charges sous réserve que ceux-ci soient réglés dans un délai de 2 mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Le bénéfice du fonds de solidarité institué par l’ordonnance 2020-317 est encadré par le décret n°2020-371 du 30 mars 2020 au moyen de seuils cumulatifs et de conditions alternatives.

Les seuils cumulatifs sont les suivants :

  • Avoir été en activité au 1er février,
  • Avoir un effectif inférieur ou égal à 10 salariés,
  • Le CA HT du dernier exercice inférieur à 1.000.000 €[2],
  • Le dernier bénéfice imposable augmenté, le cas échéant, des sommes versées au dirigeant doit être inférieur à 60.000 €[3],
  • Les personnes physiques ou morales, le dirigeant majoritaire ne doit pas avoir, au 1er mars 2020, de contrat de travail à temps complet ou de pension de vieillesse ou d’IJ de la sécurité sociale pendant la période,
  • Le contrôle de la société ne doit pas être exercé par une société commerciale (exclusion des filiales sauf si les seuils évoqués au-dessus sont respectés).
  • Lorsque la société contrôle une ou plusieurs sociétés commerciales, la somme des salariés, des chiffres d'affaires et des bénéfices des entités liées respecte les seuils.

Les conditions alternatives sont les suivantes :

  • Avoir fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 (ce qui n’est a priori pas le cas des agences immobilières),
  • Avoir subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50%[4] durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 par rapport à l’année précédente[5]

Attention, selon l’article 2 du décret n°2020-378 du 31 mars 2020, les entreprises souhaitant bénéficier des mesures de suspension des sanctions en cas de non-paiement du loyer et des charges doivent joindre au courrier de notification de la suspension des règlements :

  • (1) une déclaration sur l’honneur attestant qu’elle remplissent bien les seuils évoqués ainsi que l’exactitude des informations déclarées,
  •  (2) l’accusé-réception du dépôt de leur demande d’éligibilité au fonds de solidarité. Ces éléments sont, à priori, les seuls dont le locataire est tenu de justifier vis-à-vis de son bailleur[6].

En parallèle de ces mesures d’exception et face à une situation extérieure et imprévisible, les mécanismes de droit commun au nombre desquels la force majeure (article 1218 du Code civil), l’exception d’inexécution (article 1220 du Code civil) et l’imprévision (article 1195 du Code civil) peuvent trouver à s’appliquer dans la relation locataire-bailleur.

Ces mécanismes s’apprécient au cas par cas, selon les clauses et conditions du bail ainsi que de l’impact de la situation sanitaire sur le commerce exploité.

Face à une crise sanitaire qui s’impose tant aux bailleurs qu’aux locataires et dans un souci de bonne foi contractuelle, il est important que les locataires ne pouvant faire face aux prochaines échéances de loyers - notamment s’ils ne disposent pas de la trésorerie nécessaire, notifient cette suspension à leurs bailleurs dès que possible afin que ces derniers puissent eux-mêmes prendre leurs dispositions pour faire face à leurs propres échéances et engagements.

Il est important de ne pas hésiter à solliciter un échelonnement amiable des échéances suspendues ou des franchises exceptionnelles de loyer (loyers gratuits).

Si l’intérêt du locataire est de pouvoir poursuivre son exploitation, l’intérêt du bailleur est de conserver un locataire solvable.

Nous avons mis en place sur notre site internet www.hsa-avocats.com des modèles de :

1 – Notification de suspension de loyers Covid 19

2 – Notification de suspension et de rééchelonnement des loyers

3 – Notification de suspension avec demande de franchises de loyers (loyers gratuits)

4 – Demande de franchises de loyers après une notification de suspension de loyers (loyers gratuits)

Nous tenons à assurer de notre profond soutien tous nos clients locataires dont les établissements sont fermés ou non fermés mais dans l’impossibilité d’exercer leur activité, qui se battent au quotidien pour assurer la pérennité de leur entreprise.

Nous tenons à remercier vivement tous nos clients bailleurs qui ont d’ores et déjà acceptés des suspensions de loyers, des rééchelonnements de loyers et des franchises de loyers (loyers gratuits).

Virginie Heber-Suffrin

www.hsa-avocats.com

Références des lois décrets ordonnances  :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


[1] Article GN 1 de l’Arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP)

[2] Pour les entreprises n'ayant pas encore clos d'exercice, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83 333 euros

[3] Pour les entreprises n'ayant pas encore clos un exercice, le bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant est établi, sous leur responsabilité, à la date du 29 février 2020, sur leur durée d'exploitation et ramené sur douze mois ;

[4] Initialement fixé à 70% du chiffre d’affaires, ce seuil a été ramené à 50% par le décret n°2020-394 du 2 avril 2020

[5] Pour les entreprises créées après le 1er mars 2019, la comparaison intervient par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 ; Pour les personnes physiques ayant bénéficié d'un congé pour maladie, accident du travail ou maternité durant la période comprise entre le 1er mars 2019 et le 31 mars 2019, ou pour les personnes morales dont le dirigeant a bénéficié d'un tel congé pendant cette période, par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre le 1er avril 2019 et le 29 février 2020.

[6] Le bailleur n’est donc a priori pas fondé à solliciter d’éléments justificatifs supplémentaires