La loi n° 2025-796 du 11 août 2025, publiée au JO du 12 août, modifie plusieurs règles de la rétention administrative et précise certaines procédures. Le Conseil constitutionnel, saisi en amont, en a toutefois censuré une partie par sa décision n° 2025-895 DC du 7 août 2025.

L’essentiel à retenir : ce qui est entrée en vigueur

  • Identification en rétention : possibilité de relever empreintes et photographies sans consentement, sur autorisation préalable du procureur, lorsque c’est le seul moyen d’identifier avec certitude la personne.  
  • Demandeurs d’asile : le placement en rétention est désormais possible à titre exceptionnel, si :
    • (i) le comportement constitue une menace à l’ordre public, réelle, actuelle et suffisamment grave, ou
    • (ii) un risque de fuite est établi et apprécié in concreto (situation personnelle/familiale, garanties de représentation).  
  • Délais de procédure : la computation des délais (rétention et zone d’attente) passe du décompte en jours au décompte en heures.  
  • Prolongations au-delà de 60 jours : instauration d’une prolongation unique de 30 jours (la durée maximale de rétention demeure inchangée).  
  • Garantie de dignité en retenue (vérification du droit au séjour) : le procès-verbal doit désormais mentionner les heures d’alimentation. 

Points de vigilance pour les praticiens :

  • Vérifier la motivation et contrôle juridictionnel : le caractère réel/actuel/suffisamment grave de la menace à l’Ordre public et caractère établi du risque de fuite devront être motivés et appréciés au cas par cas.  
  • Traçabilité procédurale : veiller au nouveau décompte en heures (placements/prolongations) et au contenu des PV (heures d’alimentation).

Ce que le Conseil constitutionnel a censuré

Le Conseil a écarté l’extension du régime dérogatoire « terrorisme » à de nouvelles catégories (ITF, expulsions, condamnations pour certains crimes/délits, menace à l’ordre public) :

  • Prolongations jusqu’à 180 voire 210 jours : censurées.
  • Effet suspensif automatique de l’appel de l’administration contre une décision mettant fin à la rétention : censuré. 

Ce que le Conseil constitutionnel a rappelé concernant les principes de la rétention administrative des étrangers

  • Principe directeur (art. 66 Constitution) : la liberté individuelle ne peut être entravée ou restreinte que par une « rigueur qui ne soit pas nécessaire » ; toute atteinte doit être « adaptée, nécessaire et proportionnée aux objectifs poursuivis ».
  • Droit commun confirmé : le régime de base demeure 90 jours maximum (4 jours + 26 jours + prolongations jusqu’à 90 jours par le magistrat, sous conditions).
  • Dérogation “terrorisme” maintenue, mais strictement cantonnée : seules les hypothèses déjà prévues par les articles L.742-6 (jusqu’à 180 j) et, à titre exceptionnel, L.742-7 (210 j) subsistent.
    • « … durée particulièrement longue … sans prévoir qu’une telle mesure n’est possible qu’à titre exceptionnel. »
    • Le juge doit apprécier « l’actualité » et la « particulière gravité » de la menace pour l’ordre public.

Hypothèse

Durée max

Base

État après la décision du Conseil constitutionnel 895 DC (conseil-constitutionnel.fr)

Droit commun

90 jours

CESEDA (L.741-1, L.742-3 / L.742-4)

Maintenu (conditions renforcées, juge peut y mettre fin à tout moment)

Dérogatoire « terrorisme » (exceptionnel)

180 j  / 210 j

CESEDA

(L.742-6) / L.742-7)

Maintenu, strictement cantonné à ces cas

Extensions « ITF/crimes-délits/menace OP » au-delà de 90 jours

180 à 210 jours

Loi du 11 août 2025 (art. 1er)

Censurées (inconstitutionnelles)

 


Conséquence pratique (contentieux)

  • Après 90 jours, la rétention n’est légalement possible que dans le cercle étroit des cas terrorisme des L.742-6 / L.742-7 CESEDA (inchangés). Toute autre prolongation spéciale est inopérante.
  • En défense, cibler : absence d’exceptionnalité, ITF non définitive, absence de menace actuelle d’une particulière gravité, lien ténu avec l’éloignement → disproportion/nécessité (la rétention ne doit jamais être confondue avec la rétention de sûreté).
  • A savoir :
    • But exclusif : préparer/assurer l’éloignement ; alternatives d’abord.
    • Deux déclencheurs : risque de fuite ou obstruction par l’intéressé.
    • Libération si plus de perspective raisonnable de retour.

Rappel du contenu de l’article 15 (« Rétention ») de la Directive 2008/115/CE (EUR-Lex) :

  • Conditions et finalité La rétention n’est possible que si des mesures moins coercitives ne suffisent pas, uniquement pour « préparer le retour et/ou procéder à l’éloignement », notamment en cas de risque de fuite ou si l’intéressé évite/empêche l’éloignement. Elle doit être « aussi brève que possible » et l’éloignement mené « avec toute la diligence requise ».
  • Réexamens Réexamen de la rétention à intervalles raisonnables, d’office ou sur demande ; en cas de prolongations, contrôle par une autorité judiciaire.
  • Fin de la rétention Libération immédiate s’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement (motifs juridiques ou autres) ou si les conditions ne sont plus réunies.
  • Durée maximale de droit commun Chaque État fixe un maximum national qui ne peut pas dépasser 6 mois.
  • Prolongation exceptionnelle Possible pour une durée déterminée n’excédant pas 12 mois supplémentaires, seulement si, malgré tous les efforts raisonnables, l’éloignement prend plus de temps en raison (a) du manque de coopération de l’intéressé ou (b) de retards des pays tiers à délivrer les documents nécessaires.

Pour aller plus loin :