Lorsqu’une préfecture garde le silence sur une demande de titre de séjour, une décision implicite de rejet naît au terme du délai légal. Déposer un recours gracieux assorti d’une demande de communication des motifs (CRPA, art. L.232-4) est une stratégie décisive : elle proroge le délai pour saisir le juge, force l’administration à expliciter sa position, et crée, le cas échéant, un moyen d’annulation pour défaut de motivation.

A savoir aussi que la délivrance ou la prolongation d’un récépissé ou d’une attestation de prolongation de l’instruction (API) pour une durée supérieure au délai de naissance d’une décision implicite de refus ou postérieurement à son expiration ne fait pas obstacle à la naissance ou au maintien d’une telle décision impliciteCE, avis, 6 mai 2025, M. L… et Mme H…, n°s 499904 499907, B.

 

1) Le cadre légal : CESEDA (silence = rejet) et CRPA (motivation & prorogation)

  • CESEDA : le silence vaut rejet des demandes de titres de séjour ; la décision implicite naît en principe au bout de quatre mois (CESEDA, art. R.*432-1 à R.432-2). Le point de départ s’apprécie à la réception de la demande par l’administration (CRPA, art. L.114-3).

 

  • CRPA : les décisions défavorables doivent être motivées (CRPA, art. L.211-2). En cas d’implicite, l’intéressé peut demander la communication des motifs dans le délai de recours ; l’administration doit répondre dans le mois ; le délai contentieux est prorogé jusqu’à deux mois après la communication des motifs (CRPA, art. L.232-4).

 

2) Les effets concrets de la demande de motivation (L.232-4 CRPA)

• Prorogation du délai contentieux

La demande de motifs, formée dans le délai de recours, arrête la mécanique du temps jusqu’à la communication des motifs, puis laisse courir un nouveau délai de deux mois.

• Moyen d’annulation autonome

L’absence de communication des motifs dans le mois entache la décision implicite d’illégalité (CE, 10 juin 2020, n° 435348).

• Invocabilité sécurisée devant le juge

Le Conseil d’État (CE, 21 avr. 2023, n° 468836) exige d’avoir sollicité les motifs (L.232-4) dans le délai pour pouvoir invoquer utilement le défaut de motivation d’une décision implicite.

 

3) Le « délai raisonnable » (Czabaj) et son atténuation

En l’absence de mentions des voies et délais de recours, l’action doit être exercée dans un « délai raisonnable » (CE, 13 juil. 2016, « Czabaj »). L’avis CE du 12 juil. 2023 (n° 474865) précise que le recours gracieux ou la demande d’aide juridictionnelle interrompt ce délai ; un nouveau délai repart ensuite. Voir également CE, 2 fév. 2024, n° 484051 (circonstances particulières).

Attention : depuis le 2 octobre 2025 : lorsqu'une décision implicite intervient dans le cas où une décision explicite aurait dû être motivée et que l'intéressé en a demandé les motifs dans le délai de recours contentieux, le délai de recours contentieux est prorogé jusqu'à l'expiration du délai légal de deux mois, suivant le jour où les motifs lui ont été communiqués. En cas de silence de l’administration à la demande de communication des motifs, le délai de recours contentieux court à compter de la naissance de la décision implicite (1 mois) s'il est établi que l'intéressé a eu connaissance des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande ou de la date établissant qu'il a eu connaissance de la décision. Cependant, l'intéressé ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai d'un an à compter de la date à laquelle il a demandé communication des motifs de la décision litigieuse (CE, avis, 2 oct. 2025, n° 504677)

 

 

4) Mode d’emploi

  • Caler la date de naissance de l’implicite (4 mois après la réception du dossier (ou 90 ou 60 jours selon le cas particulier) CRPA L.114-3).
  • Avant l’expiration du délai de recours, adresser un « Recours gracieux + Demande de communication des motifs (L.232-4 CRPA) ».
  • Exiger la communication des motifs dans le mois ; archiver la preuve de réception (AR, horodatage télé-procédure).
  • Sans réponse dans le mois suivant la demande : saisir le tribunal administratif compétent (au plus tard dans un délai de 12 mois) contre le refus en soulevant le défaut de motivation et en rappelant la prorogation L.232-4 CRPA.
  • Garder à l’esprit l’atténuation de Czabaj (avis CE 2023 : interruption par recours administratif ou dépôt d'AJ). Mais en tout cas, saisir le tribunal dans un délai de 12 mois après l'envoi de la demande de motivation. 

 

5) Modèle bref – à adapter

Objet : Recours gracieux + demande de communication des motifs (CRPA, L.232-4) – [Nom, n° étranger]

(envoi par lettre recommandée avec accusé de réception)

Madame/Monsieur le Préfet,

Le [date] j’ai déposé une demande de [titre] sur le fondement de [base légale].

À défaut de réponse dans le délai de l’art. R.*432-2 CESEDA, une décision implicite de rejet est née le [date].

Conformément à l’art. L.232-4 CRPA, je vous demande la communication des motifs dans le délai d’un mois à compter de la réception du présent courrier.

Cette demande, présentée dans le délai de recours contentieux, proroge ce délai. À défaut de communication dans le délai, je saisirai le tribunal administratif en soulevant le défaut de motivation. Veuillez agréer, ...

 

6) Références

oloumi-avocats.comPrendre rendez-vousÉcrire au cabinet

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