Le Code de l’action sociale et des familles (CASF) rend possible le contrôle de la situation des allocataires. Mais dans quel cadre ?
Ainsi, selon l’article R262-83 du CASF, « le bénéficiaire du revenu de solidarité active ainsi que les membres du foyer sont tenus de produire, à la demande de l’organisme chargé du service de la prestation et au moins une fois par an, toute pièce justificative nécessaire au contrôle des conditions d’ouverture de droit, en particulier au contrôle des ressources, notamment les bulletins de salaire ».
Selon une circulaire interministérielle du 21 juillet 2011 portant sur les conditions d’application du droit de communication institué aux articles L. 114-19 et suivants du CSS (Code de la sécurité sociale), « peuvent notamment faire l’objet d’une vérification les informations ayant fait l’objet d’une déclaration par l’assuré ou l’allocataire et relatives aux ressources, au domicile, à la résidence en France ou à l’étranger, à la régularité du séjour, à l’état civil, au statut matrimonial, à la composition de la famille, à la condition d’isolement, à l’existence d’un logement et aux coordonnées financières ».
En 2018, le ministère des Solidarités a assuré que la demande était légale, dans une réponse à une question écrite : « Les CAF [Caisses d’allocations familiales] et les MSA [mutualités sociales agricoles], qui assurent le versement du RSA pour le compte des départements, sont habilitées par la loi à vérifier les déclarations des bénéficiaires du RSA. A ce titre, elles sont en droit de demander aux bénéficiaires de leur communiquer la copie de leurs relevés de compte bancaire afin de contrôler l’exactitude des déclarations concernant les ressources. Toute ressource non déclarée se traduit par un recalcul du droit et la notification d’une demande de remboursement du trop-perçu de RSA. Il est donc parfaitement conforme au droit que certains bénéficiaires du RSA puissent être invités à produire leurs relevés bancaires à la CAF ou à la CMSA à des fins de contrôle.»
Dans un rapport consacré aux prestations sociales daté de 2017, le Défenseur des droits s’est interrogé « sur les modalités de ces contrôles », pointant un cadre juridique assez flou concernant les pouvoirs des conseils départementaux en la matière. En substance, si les CAF et MSA sont donc autorisées à demander divers justificatifs auprès des bénéficiaires, ce n’est pas le cas des agents des conseils départementaux, selon la lecture des textes que fait le Défenseur des droits. Dans son rapport, le Défenseur des droits, qui critiquait aussi les contrôles massifs et non-individualisés auxquels se livrent certains conseils départementaux, demandait au ministère des Solidarités et de la Santé de « clarifier les attributions des agents des Conseils départementaux lors du contrôle des bénéficiaires de prestations. »
Comme d’autres organismes sociaux, la CAF bénéficie du droit de communication, qui l’autorise, sans que le secret professionnel ne lui soit opposé, à avoir accès aux « informations et données des organismes privés tels que les employeurs, fournisseurs d’énergie, banques…»
Cette solution ne se pratique qu’en dernier recours, et seulement en cas de doute sur le niveau des ressources suite aux premières investigations réalisées. A noter, explique-t-on à la CAF, que « les CAF n’ont pas accès directement aux comptes bancaires des allocataires. Seuls les contrôleurs sur place, dans le cadre d’un contrôle sur place, peuvent demander aux banques, au moyen du droit de communication bancaire, des relevés de compte ».
A noter que, dans le cadre de ce droit de communication, l’organisme doit informer l’allocataire de la teneur et de l’origine des informations recueillis. L’article L.114-21 du CSS prévoit en effet que « l’organisme ayant usé du droit de communication est tenu d’informer la personne physique ou morale à l’encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d’une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l’origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s’est fondé pour prendre cette décision. Il communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation, une copie des documents susmentionnés à la personne qui en fait la demande ».
Par ailleurs, la CAF a accès au Ficoba (Fichier national des comptes bancaires et assimilés), qui recense la totalité des comptes bancaires ouverts sur le territoire, et permet de fournir aux organismes légalement habilités des informations sur les comptes détenus par une personne ou une société. Ce fichier en lui-même ne comporte pas d’information sur le solde des comptes et les mouvements, mais permet d’identifier des comptes appartenant aux ayants droit.
Le Défenseur des droits s'est dans un rapport récent de mars 2019 inquiété des "dérives" possibles (article ici).
En tous cas, 14 juin 2019, le Conseil constitutionnel (Décision n° 2019-789 QPC) s’est prononcé sur la conformité à la Constitution du droit de communication de certains documents ou informations, notamment bancaires, par les organismes sociaux.
Le Conseil rappelle notamment que l’article L. 114-21 du CSS prévoit une double « obligation d’information » à la charge des organismes de sécurité sociale en cas de décision défavorable à l’intéressé faisant suite à l’exercice du droit de communication.
D’une part, il prévoit que l’organisme qui décide de mettre en recouvrement les sommes dues par l’intéressé ou de supprimer le service d’une prestation dont il bénéficiait, après avoir usé du droit de communication, doit l’informer de la teneur et de l’origine des informations et des documents obtenus auprès de tiers.
D’autre part, l’organisme doit communiquer à l’intéressé une copie des documents qui permettent de motiver la décision s’il en fait la demande, avant que la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation ne soit effectuée.
Si les modalités de contrôle de la CAF vis à vis des revenus supplémentaires que touchent les bénéficiaires du RSA ont déjà fait l'objet d'une QPC, y'a t'il déjà eu un recours devant la CEDH afin de confronter ces dispositions nouvelles à l'article 8 de la convention? Un tel recours aurait-il une chance d'aboutir ou, au regard de la jurisprudence CEDH, peut-on penser qu'elle jugerait "proportionnelle" une telle loi ?
Affaire à suivre... Des avis ?