Le 16 juillet 2023, le préfet des Alpes-Maritimes a publié un communiqué selon lequel : Afin de "préserver des capacités d'accueil des personnes vulnérables" qui protège 2 572 personnes sur des places dédiées à l'hébergement d'urgence des publics vulnérables dans les Alpes-Maritimes avait demandé à des familles de quitter les hôtels où elles étaient hébergées mettant fin, à l'échelle du département, à l'hébergement de 488 personnes (sur un total de 2 572 personnes hébergées) en leur laissant deux semaines de délais.
Selon le communiqué , les personnes pour lesquelles des fins de prise en charge ont été notifiées sont :
- des personnes sans titre de séjour dont la plupart sont sous OQTF et qui n'ont pas accepté l'aide au retour volontaire proposée,
- des demandeurs d'asile qui ont été orientés vers l'OFII qui gère un parc de logement dédié à ce public,
- des personnes ayant des activités professionnelles qui refusent de participer à leur hébergement,
- des personnes n'ayant pas adhéré à l'accompagnement social et/ou n'ayant pas communiqué sur leurs démarches.
Pourtant, le droit de bénéficier d'un hébergement d'urgence, reconnu à tous les sans-abri en détresse selon l'article L.345-2-2 du CASF, s'étend aux étrangers frappés d'une OQTF ou déboutés de leur demande d'asile. La situation de ces ressortissants ne fait pas obstacle à ce qu'une carence avérée et prolongée de l'État dans la mise en œuvre de sa compétence en matière d'hébergement d'urgence soit caractérisée, même « en l'absence [...] de circonstances exceptionnelles » (CE, 22 décembre 2022, 485724).
En effet, selon l'article précité :
"Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence. (...)."
Certes, le seul fait qu’un étranger n’ait pas pu bénéficier d’un hébergement d’urgence en raison de la carence de l’État ne suffira pas à faire constater une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale devant le juge des référés sans démontrer l'existence de circonstances « exceptionnelles » (CE, 30 sept. 2019, n° 434654).
Enfin, les principes de dignité et de fraternité s'opposent à ce que ces personnes se voient mis dehors sans autre solution ou réorientation.
De même, selon l'article L.345-2-3 du CASF :
"Toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y bénéficier d'un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation."
Enfin, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat, lorsqu'il décide de cesser l'aide aux personnes et familles, l'Etat "doit toujours examiner la situation particulière des personnes" et "s'assurer que, en l'absence de mise en place, par l'Etat, de mesures d'hébergement ou de toute autre solution, cette interruption ne placera pas de nouveau les enfants dans une situation susceptible de menacer leur santé, leur sécurité, leur entretien ou leur éducation, au sens des dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles". (CE, 30/03/2016, 382437)
Ainsi, la fin de la prise en charge ne peut se faire sans une analyse particulière de la situation de chaque personne hébergée. L'Etat doit donc démontrer avoir fait le nécessaire pour évaluer et pour orienter les personnes dont il souhaite mettre fin à la prise en charge.
Nous venons d'obtenir des décisions favorables en la matière rappelant à l'Etat ses obligations :
"Il appartient aux autorités de l’État, sur le fondement des dispositions précitées, de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l’application de l’article L.521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d’apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée. Les ressortissants étrangers qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ou dont la demande d’asile a été définitivement rejetée, et qui doivent ainsi quitter le territoire en vertu des dispositions de l’article L. 542-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, n’ont pas vocation à bénéficier du dispositif d’hébergement d’urgence. Dès lors, s’agissant des ressortissants étrangers placés dans cette situation particulière, une carence constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ne saurait être caractérisée, à l’issue de la période strictement nécessaire à la mise en œuvre de leur départ volontaire, qu’en cas de circonstances exceptionnelles. Constitue une telle circonstance, en particulier lorsque, notamment du fait de leur très jeune âge, une solution appropriée ne pourrait être trouvée dans leur prise en charge hors de leur milieu de vie habituel par le service de l’aide sociale à l’enfance, l’existence d’un risque grave pour la santé ou la sécurité d’enfants mineurs, dont l’intérêt supérieur doit être une considération primordiale dans les décisions les concernant." (TA Nice, 20 juillet 2023, 2303512)
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