Les actes publics et notamment les actes d’état civil sont au cœur de nombreux litiges, en particulier en droit des étrangers. La question se pose notamment pour les actes d’Etat civil de nombreux Comoriens dans leur démarche pour la nationalité mais aussi pour les mineurs étrangers notamment guinéens dont l’état civil est souvent contesté par les autorités françaises.

Il paraît dès lors essentiel de pouvoir contester un refus de l'administration de faire produire des effets aux actes étrangers. Le refus a souvent des conséquences importantes pour les personnes, ce qui implique également de savoir ce qui découle du silence de l’administration.

Aux termes du paragraphe II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019, la légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu.

Le paragraphe II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 dispose ainsi : « Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. « La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. « Un décret en Conseil d'État précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation ».

En application de ces dispositions, sauf engagement international contraire, toute personne qui entend faire produire des effets en France à un acte public établi par une autorité étrangère doit en obtenir la légalisation.

Toutefois, d'une part, il résulte de la jurisprudence du Conseil d'État, telle qu'elle ressort notamment de la décision de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, que le juge administratif ne se reconnaît pas compétent pour apprécier la légalité d'une décision de refus de légalisation d'un acte de l'état civil. D'autre part, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative ne permettent aux personnes intéressées de contester une telle décision devant le juge judiciaire.

Au regard des conséquences qu'est susceptible d'entraîner cette décision, le Conseil constitutionnel rappelle qu’il appartenait au législateur d'instaurer une voie de recours.

En effet, L'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) de 1789 implique le droit à un recours juridictionnel effectif, des droits de la défense et d'un « droit à la preuve » qui en découle.

Dès lors le Conseil décide que les alinéas 1 et 3 du II de l’article 16 de la loi du 23 mars 2019 qui prévoient que les actes publics étrangers doivent être légalisés pour produire effet en France, et qu’un décret d’application sera pris, sans ouvrir de voie de recours contre le refus de légalisation, sont entachées d'incompétence négative dans des conditions qui portent atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif. Elles sont considérées comme n’étant pas conformes à la Constitution.

Dans sa décision n° 2021-972 QPC du 18 février 2022 le Conseil constitutionnel déclare donc inconstitutionnel les dispositions de cet article mais reporte la date de leur abrogation au 31 décembre 2022.

Cette décision aura nécessairement des conséquences sur l’appréciation de la portée du décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère qui impose des modalités de légalisation empreintes de méfiance envers les autorités étrangères, qui sont impraticables.

En effet, ledit décret a été pris sur le fondement de l’article 16 de la loi du 23 mars 2019.

L’article 1 de ce décret précise :

« Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français doit être légalisé pour y produire effet. La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. Elle donne lieu à l'apposition d'un cachet dont les caractéristiques sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de la justice et des affaires étrangères. »

Les mêmes critiques à l’égard de la loi sont valables à l’égard de ce décret. 

Il est donc important que les juridictions administratives prennent leur responsabilité en déclarent également contraire à l’article 16 de la DDHC ces dispositions réglementaires.

En effet, ce décret remet en cause la pratique existante dès lors que la légalisation de l’acte public étranger concerné pouvait être accomplie, soit devant l’autorité consulaire française du pays d’origine, soit devant l’autorité consulaire étrangère en France. Ceci ressortait non pas directement des textes mais de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle deux autorités sont concurremment compétentes pour procéder à la légalisation des actes publics étrangers destinés à être produits en France, à savoir l’autorité consulaire française du pays d’émission de l’acte public en cause et l’autorité consulaire étrangère en France. Cette double compétence découle en effet de la coutume internationale, visée dans les arrêts rendus en la matière par la Cour de cassation.

Ainsi, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, l’exigence de légalisation des actes publics étrangers destinés à être produits en France relève de la coutume internationale que la Haute juridiction Judiciare considère que selon cette coutume, la légalisation peut être effectuée en France, par le consul du pays où l’acte a été établi (Cass., 1re civ., 4 juin 2009, pourvoi nos 08-10.962 et 08-13.541 ; 23 mai 2012, no 11-17.716 ; 28 novembre 2012, nos 11-28.645 et 12-30.090 ; 27 février 2013, nos 12-30.004 et 11-30.654 ; 6 mars 2013, nos 12-12.489, 12-30.002 et 12-15.919 ; 3 décembre 2014, no 13-27.857 ; 13 avril 2016, no 15-50.018 ; 11 octobre 2017, no 16- 23.865 ; 13 décembre 2017, no 16-50.055). 

En effet, le décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère dispose que les autorités consulaires étrangères en France ne sont compétentes pour procéder à une la légalisation que par exception dans deux hypothèses. L’article 3 et 4 du décret autorisent la production en France ou devant un ambassadeur ou chef de poste consulaire français des « actes publics émis par les autorités de l’Etat de résidence dans des conditions qui ne permettent manifestement pas à l’ambassadeur ou au chef de poste consulaire français d’en assurer la légalisation, sous réserve que ces actes aient été légalisés par l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire de cet Etat en résidence en France », ainsi que des « actes publics légalisés par l’autorité compétente de l’Etat qui les a émis, lorsqu’ils sont requis par l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire français en résidence dans cet Etat pour être transcrits sur les registres de l’état civil français ».

Les dispositions de ce décret sont donc, par voie de conséquence, contraire au droit de recours tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel.

 

 

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