Il n’est pas toujours possible de garder le silence au travail.

Critiquer son employeur entre collègues pour exprimer une insatisfaction est un geste humain et difficile à réprimer.

De même, certains cadres sont amenés à émettre des réserves sur les projets et le fonctionnement de l’entreprise.

Quant aux salariés occupant des mandats de représentation du personnel, la critique de l’entreprise fait partie intégrante de ce rôle.

Il faut rappeler qu’un salarié bénéficie du droit à la liberté d’expression dans et en dehors de l’entreprise.

Il s’agit d’une liberté fondamentale reconnue par la Constitution.

En principe, le salarié a donc le droit de critiquer son employeur, ce qui n’est pas forcément une démarche négative.

En effet, si personne n’est en droit de formuler des critiques constructives, l’employeur se prive lui-même d’une source précieuse d’informations.

Toutefois, la jurisprudence rappelle que l‘usage de la liberté d’expression ne doit pas dégénérer en abus (Cass. soc., 29 nov. 2006, n° 04-48.012).

La véritable question est donc de savoir à partir de quand une critique de l’entreprise est abusive.

La Cour de cassation estime que cet abus est caractérisé par l’usage de propos injurieux, calomnieux ou excessifs.

L’appréciation d’un abus de liberté d’expression dépend également du contexte dans lequel les propos sont tenus, de leur publicité ainsi que des destinataires concernés (Cass. soc., 19 mai 2016,  n° 15-12.311).

Pour illustration, justifie le licenciement les abus suivants :

  • Accuser sans justification son supérieur hiérarchique de méthodes malhonnêtes et de violation de la loi, par courriel envoyé en copie aux autres cadres (Cass. soc., 20 janvier 2016 n° 14-20.041).
  • Remettre en cause publiquement l’honnêteté de l’actionnaire majoritaire sans fondement et avec des propos outranciers (Cass. soc., 28 janvier 2016, n° 14-28.242).
  • Qualifier l’organisation de l’entreprise de « système de tricheurs » (Cass. soc., 14 avril 2016, n° 14-29.769).

En revanche, ne justifie pas le licenciement le fait de :

  • Critiquer la gestion de l’entreprise sans tenir de propos excessifs, injurieux et calomnieux (Cass. soc.,  20 juin 2012, n° 11-17.362).
  • Formuler des critiques un peu vives mais ne dépassant pas ce qu’on pouvait attendre d’un cadre ayant une grande ancienneté et soucieux de préserver l’entreprise (Cass. soc., 7 octobre 1997,  n° 95-41.945).

En conclusion, il est tout à fait permis d’exprimer des divergences de point de vue ou des désaccords à condition de faire preuve de modération et de sang-froid. Par prudence, le salarié qui souhaite formuler des critiques devra choisir attentivement ses mots, leurs destinataires et vérifier si ce qu’il affirme se base sur des éléments objectifs.

Il devra également s’assurer de ne pas révéler une information de nature confidentielle ou couverte par un secret professionnel.