Un véhicule est souvent un outil indispensable pour vous rendre au travail ou pour exercer vos missions.
En cas de retrait ou de suspension de votre permis, il est donc normal de craindre pour l’avenir de votre emploi.
L’employeur peut-il vous licencier pour ce motif ?
Votre premier réflexe pourrait être de vérifier ce qui est rédigé dans votre contrat.
En effet, l’employeur a pu y insérer une clause vous imposant de posséder un permis de conduire valide.
Toutefois, il n’est pas possible de fixer par avance un motif automatique de licenciement.
L’employeur ne peut donc se prévaloir de la seule violation d’une clause de détention du permis pour vous licencier (Cass. soc., 12 févr. 2014, n° 12-11.554, publié au bulletin).
En revanche, si l’employeur ne se limite pas à mentionner uniquement la violation d’une clause, le licenciement pourrait être valable selon les circonstances et les conséquences de la perte de votre permis.
Le risque de licenciement dépendra principalement du moment de l’infraction ayant fait de vous un piéton ainsi que de vos fonctions.
1. Le retrait ou la suspension du permis de conduire a eu lieu en dehors du temps de travail et vos fonctions n’impliquent pas de conduire un véhicule
Dans cette hypothèse, votre travail n’exige pas l’utilisation d’un véhicule. Certains de vos collègues exerçant des fonctions identiques n’utilisent même pas la voiture pour se rendre au travail.
En conséquence, il sera difficile pour l’employeur de vous licencier.
En effet, l’infraction ayant causé la perte de votre permis de conduire concerne des faits relevant de votre vie privée. L’employeur ne peut pas vous licencier puisque vous n’êtes plus sous un lien de subordination au moment des faits.
Dans la mesure où vos fonctions n’impliquent pas de conduire un véhicule nécessitant un permis, le licenciement prononcé par l’employeur sera sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 18 janv. 2012, n° 10-30.677).
En revanche, vous devrez vous organiser pour continuer à vous rendre au travail et respecter vos horaires.
Il vous incombera donc de vous déplacer par d’autres moyens : transports en commun, vélo, covoiturage, ect.
Pour précision, l’employeur n’est pas tenu de modifier vos horaires ou de vous organiser une solution de secours afin de vous éviter des retards et des absences injustifiées.
Même si vous pouvez toujours demander à votre employeur de vous aider à vous rendre sur votre lieu de travail, il faudra vous attendre à prendre vos propres dispositions en cas de refus de ce dernier.
2. Le retrait ou la suspension du permis de conduire a eu lieu pendant l’exécution du contrat de travail
Dans cette hypothèse, vous conduisiez un véhicule afin d’exécuter votre travail et la perte du permis concerne des faits commis durant le service.
Vous pouvez faire l’objet d’un licenciement disciplinaire.
En effet, lorsque vous conduisez un véhicule dans le cadre de vos fonctions, vous devez respecter votre obligation de sécurité en tant que salarié.
Votre conduite doit être respectueuse du Code de la route et être exclusive de tout comportement dangereux. En cas d’accident, la responsabilité de votre employeur pourrait être engagée.
Par exemple, un retrait du permis de conduire pour conduite en état d’ébriété dans le cadre de votre service peut vous valoir un licenciement pour faute grave (Cass. Soc. 30 sept. 2013 n° 12-17182).
3. Le retrait ou la suspension du permis de conduire a eu lieu en dehors du temps de travail mais vos fonctions impliquent de conduire un véhicule
Dans cette hypothèse, votre situation est ici un peu plus délicate.
Certes, l’infraction ayant conduit à la perte de votre permis relève de votre vie privée.
Vous ne pouvez donc pas faire l’objet d’un licenciement faute (Cass. soc. 10 juillet 2013, n° 12-16878, publié au bulletin).
Si la perte de vos points est considérée comme étant un motif disciplinaire dans la lettre de licenciement, ce dernier sera sans cause réelle et sérieuse (Cour d’appel de Colmar, 12 janvier 2016, n° 14/02328).
En revanche, les conséquences de ce fait de la vie privée vont perturber immanquablement votre travail.
Même si l’employeur ne peut pas vous licencier pour faute, il peut toujours vous licencier pour un motif non disciplinaire.
Ce motif sera le trouble objectivement causé à l’entreprise du fait de la perte du permis.
La Cour de cassation estime que l’employeur peut vous licencier pour cause réelle et sérieuse à partir du moment où votre permis est nécessaire pour l’exercice de votre activité (Cass. soc., 15 janv. 2014, n° 12-22.117 et Cass. soc., 28 février 2018, n°17-11.334).
L’employeur devra démontrer que l’absence de détention du permis rend impossible l’exécution normale de vos missions.
Une jurisprudence ancienne précise que l’employeur n’est pas tenu de proposer une solution de secours (Cass. soc., 19 nov. 1980, n° 79-40.294, publié au bulletin).
Pour illustration, un chauffeur-livreur dont le permis a été suspendu pendant 4 mois a pu être valablement licencié pour trouble objectif (Cass. soc., 1er avr. 2009, n° 08-42.071).
De même, a pu être validé le licenciement d’un représentant dont la perte du permis avait fait diminuer son activité (Cass. soc., 27 juin 2001, n° 99-44.756).
En revanche, le licenciement d’un agent d’entretien utilisant des engins de chantier n’a pas été validé car l’employeur ne démontrait ni une impossibilité pour le salarié de se rendre sur les chantiers qu’en conduisant ni que le covoiturage par des collègues désorganisait le travail (Cour d’appel de Montpellier, 21 février 2019, n° 15/05661).
Il convient quand même de préciser que dans certains secteurs, la convention collective de branche peut vous apporter quelques protections supplémentaires.
Par exemple, l’article 6.1 de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 des VRP impose à l’employeur de démontrer que la perte du permis entraîne une gêne dans l’entreprise. L’employeur devra donc mentionner cette gêne dans la lettre de licenciement.
Concrètement, le licenciement pour cause réelle et sérieuse pour un motif non disciplinaire vous donnera quand même le droit à quelques indemnités, comme l’indemnité légale de licenciement.
Toutefois, ces indemnités ne compenseront pas la perte de votre emploi…
Malheureusement, vous ne pouvez pas dissimuler votre perte du permis afin de conserver votre travail.
Ne pas informer l’employeur du retrait ou de la suspension du permis de conduire alors que document est nécessaire pour l’exécution du contrat de travail peut justifier un licenciement pour faute grave (Cour d’appel de Paris, 03 mai 2017, n° 16/08716 et Cour d’appel de Versailles, 18 avril 2019, n° 17/01593).
La raison est on ne peut plus logique. Si vous conduisez un véhicule de l’entreprise sans permis parce que votre employeur n’est pas au courant du retrait ou de la suspension, son assureur risque de ne pas prendre en charge le sinistre en cas d’accident.
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